A sa manière, Mal Etre fait mentir le dicton qui prétend que l’habit ne fait pas le moine. Ce (forcément) mystérieux one man band d’origine suisse, ne saurait en effet passer pour autre chose que ce qu’il a l’air d’être : l’instrument mortifère permettant à son auteur de ruminer un désespoir que l’on devine insondable. Mais après plusieurs démos annonciatrices d’un tsunami d’ondes suicidaires, Mal Etre frappe un grand coup avec un premier essai qui témoigne que le projet dépasse largement le simple cadre de la chapelle funéraire. Tormentrode à la lisière de plusieurs chemins : Black Doom, Ambient, Post Rock, shoegaze… Soit autant de signes d’une diversité qui confère à cet opuscule une grosse valeur ajoutée par rapport au tout venant de la musique des abîmes. Dès l’inaugural, "Vie impure", le ton est donné, plus surprenant qu’il n’y paraît avec ses premières mesures acoustiques d’une beauté pastorale et longue entrée en matière contemplative qui peu à peu mute en un sommet de souffrance, crescendo vers une mortification hallucinant. La seconde partie de cette plainte s’enfonce ensuite dans une mine de charbon sans surprise mais d’une efficacité dans la dépression tout à fait effrayante. Précédé d’un instrumental intimiste aux atours atmosphériques ("Forest"), "My Funeral" épouse les contours opaques d’un Doom funéraire léthargique d’une fausse monotonie car drainant des accords grêles et décharnés. Encore plus passionnant est "Unblessed Beings" qui démarre d’une façon feutrée avant de prendre une direction inattendue, plongée soudaine dans les arcanes de la terre. Riffs dissonants et voix qui semble provenir du fin fond de la Moria forment les guides funestes vers ses profondeurs dont on ne revient pas indemne. Encadré par le court "Sad Day", suffocant à souhait, et "October Falls", curieuse dérive dépouillée aux portes de la mouvance Shoegaze, il y a enfin l’immense "Son âme saigne", lancinante déréliction de presque dix minutes s’ouvrant sur des orgues aux accents liturgiques avant de dérouler les câbles d’une trame vertigineuse aux confins de la folie. Ecartelée par de multiples modelés aux teintes funéraires néanmoins constantes, c’est une longue plage doloriste d’une beauté extrêmement désespérée. NP, l'unique membre de l'entité, y cri son mal être comme si demain ne devait plus exister. Torment porte bien son nom. Il s’agit d’une œuvre tourmentée mais belle qui réussit à sa manière à transcender un genre qui commence tout de même sérieusement à se figer sur ses propres codes, à lui injecter une certaine fraîcheur, même si ce terme est un euphémisme eu égard à la froideur cadavérique de ces sinistres compositions. (cT10)
Black Doom | 49:27 | Kunsthauch | BC
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