Si autrefois le rock progressif était pour beaucoup
synonyme de pompeux, d’étallage technique stérile, musique prétentieuse et
ringuarde, on ne compte en revanche plus aujourd’hui les groupes qui se
réclament des ténors du genre. Le plus étonnant est que ce patronage est de
plus en plus revendiqué par une frange – le hardcore – qui pourtant ne noue à
priori aucun lien avec les Yes et consorts. En attendant Crack The Skye, le
prochain missile de Mastodon, c’est Burst qui témoigne de cette influence. Le
nouvel effort des Suédois se veut en effet plus complexe, plus technique que
jamais, avec ses huit plages bien plus longues qu’accoutumée et dont les deux
dernières voisinent même avec les dix minutes au compteur ! Ceux qui
suivent le groupe depuis sa formation au début des années 90 risquent sinon
d’être surpris du moins d’être déçus par cette nouvelle orientation. Si elle ne
perd rien ni en terme de puissance ni en terme de furie, la musique de Burst
tend à se draper dans un voile plus mélodique que jadis, ce qui ne veut pas
dire qu’elle soit plus accessible et encore moins qu’elle ait perdue en beauté
douloureuse. Bien au contraire. Alors évidemment, certains invariants
demeurent, tels ce chant à l’âpreté rugueuse, comme poli au papier de verre ou
cette brutalité organique mais ils se fondent désormais dans un malestrom
certes toujours bouillonant mais surtout plus complexe, plus technique plus
réfléchi aussi… en un mot : plus progressif. Mais attention on parle
davantage ici de King Crimson, du Genesis avec Peter Gabriel (le seul,
forcément) plus que des orgies de claviers à la ELP par exemple ; du
progressif qui a une âme et non celui qui s’apprend à l’école façon Dream
Theater. Bref, on est plus proche du Metallica défunt celui de Cliff Burton
(« The Call Of Khtulu », « Orion »). Loin donc du hardcore
des débuts, Lazarus Bird propose un thrash moderne et hydride, atmosphérique
parfois, intense et beau toujours. Il débute par l’efficace « I Hold
Vertigo » dont la rage épidermique ne doit pas vous tromper, contrairement
aux espaces quasi planants que les musiciens percent en son milieu. « I
Exterminate The I » est le théâtre d’un tremblement de terre rythmique
mais surtout celui d’harmonies à la six cordes absolument divines qui dressent
un paysage digne du Genesis des seventies. Après un poignant « We Are
Dust », beau comme un chat qui dort et dont la tristesse ne pourra que
vous toucher, « Momentum » surprend par sa longue introduction
instrumentale égrenée par des notes de guitares squelettiques. A ce stade de l’écoute,
on prend conscience qu’avec Lazarus Bird, tout peut arriver. Pleins
d’arabesques et de détours, ses titres préfèrent à la ligne droite les chemins
de traverse, les routes qui serpentent, à l’image du labyrinthique
« Cripple God ». On prend conscience aussi que vouloir décrire ces
envolées semblent vain tant elles recèlent maints trésors qu’aucun mot ne
suffira à en restituer la richesse. Ainsi les ultimes
« Nineteenhundred », « (We Watched) The Silver Rain » et
City Cloaked » dépassent les carcans pour tracer plus que jamais leur
propre voix. Sachez cependant que le second d’entre-eux, montée en puissance
tellurique peut être considéré comme l’Everest d’un album qui pourtant n’en
manque pas. Beaucoup ne partageront certainement pas mon avis mais j’affirme
quand même que Burst vient avec ce Lazarus Bird de toute beauté, d’atteindre
son apogée.
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