Hordes

samedi 19 octobre 2013

Chronique : Trist - Willenskraft (2009)



Lunar Aurora, son second port d'attache, alors en sommeil, Benjamin König peut se concentrer sur Trist dont il tient maintenant seul la barre. Avec Willenskraft, sa quatrième exploration (en comptant le recueil Initiation) sous cette bannière qu'il ne faut surtout pas confondre avec son homologue tchèque, le musicien semble, à première vue et à première vue seulement, revenir à un format plus classique après un Hin Fort qui contenait, en autres, une longue piste de près d'une heure. Au contraire, la cuvée 2009 déroule un menu en six plages. Mais cette architecture morcelée ne doit pas vous tromper : ces titres forment davantage les différents pans d'un seul bloc que des morceaux individualisés. De fait, Willenskraft, la volonté et le pouvoir en français, doit absolument être appréhendé comme un ensemble indivisible et cohérent, une unique complainte de plus de 50 minutes . La manière dont chaque partie se fond dans celle qui lui succède participe notamment de cette construction conceptuelle, de même que ce constant bruit du ressac qui répand tout du long ces sonorités aux confins de l'étrange. L'Allemand poursuit le travail amorcé par les précédents albums et ce faisant grave un monument de black metal ambient minimaliste et lancinant ; il repousse jusque dans ses derniers retranchements la notion de répétition, ici portée au niveau d'un art hypnotique. Essentiellement instrumental (le chant, écorché, reste très lointain et scande plutôt des cris d'aliénés que des paroles à proprement dit), cet opus débute par un tableau de plus de 12 minutes, entièrement rempli par le bruit de la mer. Mais loin de l'envelopper dans une atmosphère contemplative, ces sons confèrent à cette entame une résonance inquiétante, noire presque mystique. En un fondu enchaîné superbe, "Bewusstsein" meurt en fusionnant avec le démentiel "Wagemut", qui ne se déploie qu'après de longues minutes bercées par cette mélopée maritime. Puis, les guitares décollent crescendo, érigeant des riffs répétitifs qui confinent à la transe. Le maître des lieux y conjugue avec une puissance implacable metal noir et dark ambient au point d'atteindre une dimension quasi transcendantale. A nouveau, "Zweifel" n'est qu'une longue respiration aux bords du fantastique qui précède une pulsation trippante, tranchée par des notes de pianos d'une gravité mortuaire plus proche de la musique classique contemporaine que du black metal et que soulignent tout d'abord le "chant" des mouettes. Une tension palpable traverse l'ensemble, tandis que les guitares surgissent, oppressantes, chargées d'une négativité absolue. Incantatoires, des lignes vocales échappées d'un ailleurs insaisissable, y soufflent tel un écho spectral. Willenskraft termine son voyage avec deux plaintes fantomatiques : "Verhinderer" et surtout "Wandlung", vibration immense et envoûtante qui atteint une forme d'Absolu et qui s'achève sur ce bruit du ressac, contribuant à donner une forme cyclique à cet album. Trist vient donc de livrer un chef-d'oeuvre d'une chiantise pénible pour 99% de la population qui le jugera sans intérêt mais d'une beauté ténébreuse pour la minorité restante, bande-son hypnotique au pouvoir d'évocation sans fin.




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