Hordes

jeudi 12 décembre 2013

Chronique : Solstafir - Í Blóði og Anda (2002 / 2013)




Si une grande majorité l'a découvert en 2005 avec "Masterpiece Of Bitterness", cela faisait déjà pourtant dix ans que Solstafir s'activait. Entre les préliminaires de rigueur, figure donc ce "Í Blóði Og Anda", première offrande (un peu) oubliée des Islandais sur laquelle beaucoup fantasmaient faute d'avoir encore pu l'écouter. On ne remerciera donc jamais assez Season Of Mist chez lequel le groupe est actuellement hébergé, qui a eu l'excellente idée de rééditer cet album publié en 2002 via l'obscur Ars Metalli. Celui-ci avait déjà été exhumé deux ans plus tard, par Oskorei Music mais c'était avant que ses auteurs n'explosent vraiment au grand jour et ne fixent son identité si particulière. Particulière, la musique forgée par ces musiciens au look improbable l'a en fait toujours été. C'est le premier constat qu'impose la (re)découverte de ce galop d'essai. Aujourd'hui orfèvre d'un Post-Rock foncièrement personnel, Solstafir ne faisait déjà donc pas les choses comme tout le monde avant de trouver sa voie. Arrimé à ses débuts au Black Metal d'obédience Viking, n'espérez pas le voir pour ce premier album quelque part entre Enslavedet Kampfar. De fait, plonger dans "Í Blóði Og Anda" à l'aune des offrandes à venir, permet de le replacer au sein de la discographie du groupe dans une position intermédiaire, première étape avant que le combo ne largue franchement les amarres. De son passé extrême demeurent ce socle rugueux, granitique et incandescent ainsi que ces lignes vocales comme frottées avec du papier de verre, oripeaux auxquelles se mêlent déjà ces guitares certes désaccordées et prisonnières d'une gangue neigeuse  mais suintant au final un feeling plus Rock que Metal. Les atours Black Metal ne masquent pas cette énergie survoltée qui couve sous la glace, cette folie, cette démesure encore larvée qui ne tardera pas à éclater, pour aboutir à cette identité démentielle. Cet essai porte en lui les germes de l'évolution future. Il suffit d'écouter un titre tel que 'I Viking' pour le constater. De ces notes de piano à la manière d'avaler l'espace, de ces riffs ferrugineux à ce tempo qui cavale, la signature des Islandais est déjà en réalité presque fixée, elle est en marche, prête à atteindre sa maturité prochaine. On mesure en outre combien le groupe s'est très tôt affranchi des règles, des codes, n'hésitant pas à recourir à de discrètes mélopées féminines, comme sur 'Árstíðir Dauðans' qui lui aussi pourrait se glisser au menu des disques suivants sans que l'on remarque vraiment la différence, ou à un chant masculin clair, presque Pop, témoin ce 'Bitch In Black' curieux où alternent explosions furieuses et respirations intimistes. "Í Blóði Og Anda" confirme enfin que le groupe a eu raison d'abandonner par la suite, au moins pour partie, le chant hurlé qui fait saigner les cages à miel. Reste que, celui-ci, s'il peut agacer, est pour beaucoup dans l'identité de cet opus, dans sa démence noire tout en maintenant un lien avec le passé. Gravé entre 1999 et 2001, ce disque séminal déborde d'une richesse foisonnante car dans l'intimité de chacune de ses compositions se nichent des trésors d'inspiration, autant de joyaux qui lui permettent de dépasser son simple statut d'embryon d'un style si singulier que ses successeurs établiront et peaufineront plus tard. Il est la pièce manquante, le ciment entre les origines Viking du groupe et son visage actuel, détenteur de cette patte reconnaissable entre mille, alors plus brute et minérale bien que déjà glaciale et ourlée de cette mélancolie frissonnante. (Music Waves 2013)



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