A l’instar du UK Doom par exemple dont la plupart des
géniteurs – Paradise Lost, Anathema - ont par la suite pris leur distance avec
le genre, le black metal mène un peu à tout : au progressif (avec
Enslaved), à la musique électronique (le Burzum carcéral), à l’indus (Blut Aus
Nord) et même au post rock, étiquette (une de plus !) qui du reste ne veut
pas dire grand chose. Si, il y a peu, les Teutons de Lantlôs avaient déjà,
timidement il est vrai, tenté les travaux d’approche entre celui-ci et le metal
noir, Caïna, quant à lui, fait plus que caresser ce corps à la mode : il
le pénètre allègrement et par tous les orifices. Bien qu’encore adolescent – sa
naissance ne remonte qu’à 2004 -, ce one man band n’est plus un puceau et
Temporary Antennae est déjà sa troisième saillie (sans compter les EP). Au
départ, purement black metal, le projet largue de fait de plus en plus les
amarres avec cette chapelle, dont il ne conserve que quelques oripeaux tels
qu’un son de guitare ferrugineux et sale, certaines vocalises écorchées
(« Willows And Whippoorwills »), des tempi qui accèlèrent la cadence
(le superbe « Tobacco Beetle ») et une ambiance générale parfois
assez dépressive, pour accoster des terres carrément plus atmosphériques. Bref,
on est désormais plus proche de Cult Of Luna, d’Isis voire de Jesu, auquel on
pense notamment pour la façon dont Andrew Curtis-Brignell pose ses lignes
vocales (« Petals And Bloodbowls ») que de Darkthrone. Le mélange est
étonnant, détonnant et très réussi. Hypnotique, miné par une tristesse fébrile
(« Larval Door »), Temporay Antennae est une œuvre singulière à
l’architecture essentiellement instrumentale (« … And Ivy Wound Round
Him »), que fissure pourtant un chant davantage utilisé pour souligner des
ambiances que pour piloter une musique désincarnée et fantomatique. Ces
complaintes recèlent une beauté grave et désespérée ; elles prennent aux
tripes et atteignent le cœur autant que l’âme, à l’image du long et douloureux
« Them Golds And Brass », dont les notes à la six-cordes ne
manqueront pas de vous tirer des larmes ou du déchirant « Temporary
Antennae ». Sa noirceur n’a d’égal que son pouvoir d’envoûtement. Caïna
dessine un art certes planant, qui décolle par moment très haut, tout la haut
en un spectacle grisant, mais qui secrète surtout un profond désespoir et ce
faisant, il érige donc ce pont entre post rock et black metal, deux corps froids aux courbes qui nouent
finalement bien plus de points communs qu’on pourrait le croire de prime abord.
L’Anglais livre ainsi un très grand disque, passionnant de bout en bout,
mariage hybride mais cohérant qui, à mon humble avis, lui convient bien mieux
que le pur metal noir de ses débuts, dont il ne reste aujourd’hui quand même
plus grand chose.
Post Black Metal | Profound Lore Records | 50:51
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