Capturé lors du Loreley Festival (Night Of The Prog
III) en juillet 2008, Rheingold se veut un instantané, un moment de pure magie
comme suspendu dans le temps, théâtre de la rencontre scénique entre deux
monstres sacrés : Klaus Schulze et l’ex-Dead Can Dance Lisa Gerrard. Après
leur collaboration en studio avec l’album Farscape, ce concert, entré d’ors-et
déjà dans la mythologie, est une manière d’apothéose, une conclusion
(temporaire ?) pour ce mariage que beaucoup attendaient. Si le disque né
de leur union a pu en décevoir certains – ce que j’ai bien du mal à comprendre
-, il n’en ira certainement pas de même de Rheingold, dont le nom, ainsi que
ceux des pistes qu’il renferme sont un nouvel hommage à Richard Wagner que la
claviériste admire tant. Cette offrande se déploit sous plusieurs
formats : double DVD (le premier officiel pour le génie germanique, hormis
celui joint en tant que bonus à la réédition de Dig It), double CD et enfin,
l’addition des deux. C’est la version uniquement sonore sur laquelle je vais,
pour le moment, m’arrêter. Comme toujours avec lui, parler ici de live apparaît
pour le moins réducteur car le géant n’a jamais pour habitude de se contenter
d’interpréter fidèlement son répertoire. Performance est un terme qui de fait
sied davantage à ce qu’il propose sur scène. Certes, il prend soin de parsemer
le concert d’un grand nombre d’emprunts aux divers « Liquid
Coïncidence » qui chapitraient Farscape, mais à l’arrivée c’est bien d’une
œuvre unique et inédite à laquelle on a affaire. Au menu, six titres pour près
de deux heures trente de musique. Une autre constante. La première rondelle
offre deux plages. Le concert débute donc avec le gigantesque
« Alberich », soit près d’une demie-heure de nappes électroniques à
la fois sombres et contemplatives, et dont les forts accents liturgiques lui
confèrent la solennité des chants grégoriens. Puis lui succède le crépusculaire
« Loreley », teinté d’influences ethniques et qui voit enfin Lisa
Gerrard laisser échapper son chant à la beauté diaphane si singulier, tandis
que Schulze libère ses effluves tout d’abord fantomatiques puis hypnotiques et
planantes. Quarante minutes de bonheur propice à l’introspection qui synthétise
admirablement l’alliance de ses deux fortes personnalités de la musique contemporaine.
Le second disque s’ouvre sur une démonstration de Klaus, plus en forme que
jamais, malgré ses récents problèmes de santé qui l’ont d’ailleurs contraints
d’annuler une bonne partie de sa tournée (dont le concert de Paris).
« Wotan » est une prolifération envoûtante de sons qui prend aux
trippes et renvoit directement à la trance du monumental Dosburg Online (1997).
Désincarné et clinique, « Wellgunde » est à nouveau guidé par la voix
habitée de la chanteuse, cependant que « Nothung » voit Schulze, seul,
aidé de ses synthétiseurs et de ses machines, se déchirer, donner tout ce qu’il
a comme si demain ne devait plus jamais exister. Rheingold prend fin avec
« Nibelungen », longue piste majestueuse et atmosphérique absente du
DVD qui reprend « Liquid Coïncidence II ». Essentiel donc pour tous
les admirateurs de Klaus Schulze qui se taille clairement la part du lion face
à une Lisa Gerrard qui semble, quant à elle, un peu en retrait, ce qui ne
l’empêche pas d’éclabousser de sa grâce les passages sur lequels elle pose sa
voix. Magique tout simplement et on ne saluera jamais assez l’Allemand pour
avoir décidé d’immortaliser cet instant précieux. (cT08)
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