L'univers cauchemardesque bourgeonnant d'images hallucinées imaginé par Lovecraft ne pouvait qu'inspirer le metal qui s'en est très tôt emparé. Le Black Metal en particulier trouve dans l'oeuvre du maître de Providence un écho à ses propres obsessions et le terreau propice à alimenter la thématique viscéralement ténébreuse qui le guide. Malgré une renommée encore modeste que sa jeunesse et sans doute aussi son origine hexagonale expliquent, THE GREAT OLD ONES compte parmi ceux qui ont mieux su capter l'essence en même que l'âme du père de Cthulhu, grâce à un premier album, Al Azif, déjà monstrueux, matérialisation sonore de ce monde torturé. Arrêtons-là les préliminaires de rigueur pour affirmer que son successeur n'est pas seulement à la hauteur des espoirs suscités par ce galop d'essai, il propulse d'un coup ses géniteurs vers des sommets jusque là à peine déflorés. Comparer Tekeli-Li à un édifice aux dimensions cyclopéennes tient de l'euphémisme, temple obscur trônant dans les entrailles de la terre. Adapté de la nouvelle "Les montagnes hallucinées", l'album a des allures de récit, de voyage aux confins de l'horreur dont on ne sait s'il s'agit d'un rêve ou bien de la réalité ("Je ne suis pas fou"). De part leur longueur, ses compositions sont comme les chapitres successifs d'une narration qui s'abîme progressivement dans la folie. Le périple commence réellement avec "Antarctica" où l'on accoste ce désert de glace. L'ambiance est pesante, écrasante même, labyrinthe organique d'une puissance souterraine démentielle, auquel succède ce qui s'impose peut-être comme l'apogée de cette aventure, le terrifiant "The Elder Things" où se déchaînent les éléments en un orgasme furieux, théâtre noir d'une performance aussi rigoureuse que pleine d'une démesure envoûtante. Ligne de basse énorme, guitares dissonnantes et prolifératrices irriguent de leur énergie tumultueuse cette longue pulsation aux multiples aplats. S'enchaînent ensuite deux titres très différents l'un de l'autre en cela que l'un ("Awakening") se veut aussi lent et vicié que l'autre ("The Ascend") est rapide, tunnel grondant d'une tension malsaine menant à la conclusion gigantesque qu'incarnent les presque 20 minutes de "Behind The Mountains". Il en faut du talent pour réussir ce genre de morceau-fleuve. Plus que jamais maître de son art, THE GREAT OLD ONES se sort de cette entreprise avec un insolent brio et une classe folle, accouchant d'un monstre aux nombreuses facettes. Après une introduction toute en arpèges dramatiques, le morceau s'envole, traversant de vastes et sombres contrées. Les passages, véloces ou plus contemplatifs, s'emboîtent avec beaucoup de liant sans que l'impression d'avoir à faire à d'incohérents morceaux simplement mis à bout ne s'impose à aucun moment. Le groupe réussit un périple aux allures de dédale étouffant à l'ambiance étouffante qu'il paraît vain de vouloir décrire en détail tant il palpite d'une essence mystérieuse et hallucinée que des mots ne sauraient suffire à capter. Un peu à l'image de ce que vivent les personnages de Lovecraft incapables d'exprimer toute l'horreur dont ils sont les témoins. Tel est Tekeli-Li. Tel est THE GREAT OLD ONES. (cT14)
Lovecraftian Black Metal | 53:25 | Les Acteurs de l'Ombre | FB
Grand album ! Il tourne ne boucle depuis des semaine, et réussi même à me faire ressortir mes vieux Lovecraft !
RépondreSupprimerMerci pour la chro... !
Merci pour le commentaire, ça fait plaisir !
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