Vagin noir et béant, on ne saurait trouver meilleur
porte d'entrée à l'univers de AmenRa que ce bunker grisâtre ornant le visuel de
Mass V. Massif et austère, organique et solitaire. Promotion attendue et
méritée, le fait que les Flamands aient signé chez Neurot Recordings ne
signifie pas que ceux-ci aient décidé de baillonner ni leur déchirante
négativité ni une identité dans les veines de laquelle coule certes toujours
l'influence tutélaire neurosienne, dont la présence d'une de ses têtes
pensantes, Scott Kelly pour ne pas le nommer, sur le dernier titre n'étonnera
donc personne, d'autant plus que l'homme n'a jamais été avare de ce genre
d'invitation. Quatre ans après un Mass IIII qui a pu en décevoir certain, AmenRa
accouche donc de l'opus idéal dont la courte durée loin de le fragiliser lui
confère au contraire une sourde intensité.
Le groupe dresse quatre blockhaus où la noirceur la plus granitique et
tellurique se conjugue à la beauté la plus triste et désespérée. L'oeuvre
démarre d'une manière relativement classique avec "Deadborn And
Buried" dont l'entame squelettique précède un déchaînement épidermique
emporté par les vocalises hurlées de Colin van Eeckhout, titre aux teintes
ferrugineuse souvent au bord de la rupture, gravitant le long d'un gouffre sans
fond. Puis progressivement, Mass V empreinte un autre chemin, d'un abord plus
posé mais en réalité plus sombre et définitif encore. Long de plus de 13
minutes, "A mon âme" en forme l'épicentre, le point névralgique,
douloureuse montée en puissance qui explose lors d'une seconde partie minée par
un désespoir absolu, ressac charbonneux qui vient se fracasser contre une
falaise de frissons et puis repart. Souligné par des guitares et une rythmique
déjà prisonnières des limbes, le chant dégueule comme si demain ne devait plus
jamais exister. Mass V ne comporterait que cette plainte qu'il serait quand
même indispensable. Ce serait toutefois occulter la violence émotionnelle qui
couve sous la roche du terminal "Nowena", conclusion mortfière qui
achève l'auditeur par son sentiment d'inexorabilité poisseuse. AmenRa vient
d'enfanter sinon son meilleur disque au moins son effort le plus maîtrisé à ce
jour, dont la qualité méritait bien quatre ans d'attente... (Alternative)
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