Il y a pour commencer cet étonnant visuel dont l'épure
annonce un univers qu'on devine singulier, simple chaise qui se détache sur un
fond d'une blancheur neigeuse, laquelle il manque un pied, créant un curieux
déséquilibre contré par la présence d'une oiseau posé sur son sommet. De fait,
ceux qui s'attendent de la part de Resitaali, un opus de pur Black Metal
fiévreux, dans le sillage de Resignaatio, son devancier, en seront pour leur
frais. Album que ne pollue aucune ligne vocale, il s'agit d'une oeuvre qui se
situe - à priori - à des années-lumière de l'art noir, ensemble de quatre
pistes que seule leur numérotation distingue les unes des autres que hantent
des sonorités d'une sombre et minimaliste liturgie. Epure d'un visuel, épure
encore d'une musique hypnotique vierge d'instruments électriques ou rythmiques
sans pour autant être acoustique, épure toujours d'ambiances fantomatiques qui
peu à peu coagulent et vous engourdissent, confinant à l'abandon, à la
résignation. Plus proche d'une cérémonie Dark Ambient, le disque a la
particularité de ne résonner qu'aux sons d'un harmonium hanté, présence qui
commande une évidente dimension religieuse. En égrenant une atmosphère propice
au recueillement, cet instrument impose aussi une solitude douloureuse, une
tristesse absolue, sentiments tout d'abord diffus qui peu à peu se réveillent,
s'élèvent, plongeant tout doucement Resitaali dans une inexorabilité
catatonique lors de ses dix dernières minutes. Cet langueur hivernale pourrait
être ennuyeuse, lassante, on finit pourtant par être envoûté par ces plaintes
répétitives qui exsudent des perles d'émotions mélancoliques. Leur écoute nous
évoquent les déambulations solitaires bordées par des paysages figés par le
froid. Qu'il est bien difficile de ne pas être touché, ému par ces notes qui
s'étirent à l'infini en un voile brumeux. A des années-lumière du Black Metal
peut-être, ceci étant, cette seconde offrande étonne-t-elle vraiment de la part
des Finlandais dont les créations se sont toujours affranchies du credo noir attendu
? Le groupe aime à surprendre, à louvoyer pour atterrir là où on ne l'attend
pas. En cela, Resitaali a toute sa place au sein d'une discographie peu aisée à
cerner, à laquelle sa noirceur l'arrime enfin d'une manière évidente, de même
que son aura religieuse dont ses prédécesseurs n'étaient pas dépourvus, à
commencer par Resignaatio. Simple parenthèse ou marqueur d'une profonde
évolution, l'oeuvre n'en est pas moins remarquable pour qui saura capter sa sourde
beauté... (La Horde Noire 2013)
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