Plus les années passent plus Ufomammut, dont le nom
nous a toujours bien fait marrer, semblent décrocher les amarres de la terre
ferme pour une autre dimension : la leur. Depuis Lucifer Songs en 2005,
les Ritals ont bien dû abuser de la fumette en matant des films de SF de série
B de leur chère Péninsule, genre La planète des vampires du grand Mario Bava.
De plus en plus lourde comme une enclume mais surtout de plus en plus cosmique
telle est la musique du groupe dont Idolum s’impose en parfaite carte de visite
pour ceux qui ne le connaîtraient pas. A la croisée du stoner hallucinogène et
du doom stélaire halluciné, cette échappée aussi démentielle qu’envoûtante ressemble
davantage à un magma bordélique noyé sous les effets et les effluves acides
qu’à un pur disque de rock. Un peu à la manière du Electric Wizard période
Dopethrone en moins crépusculaire toutefois, les pistes de chant sont
volontairement mixées en retrait par rapport à toute une stratigraphie
instrumentale. Tellurique (« Hellectric »), la rythmique est
écrasante comme un chape de plomb qui vous tombe sur la gueule ; les
guitares, épaisses comme la semence masculine après plusieurs jours
d’abstinence, barbotent dans le mazout. D’entrée de jeu, les trois premières
salves vous assomment par leur puissance pachydermique. Puis survient, à la
façon d’un oasis dans ce voyage étouffant, l’aérien « Ammonia » dont
les mélodies vocales féminines ne pourront que vous rappeler le superbe
« The Great Gig In The Sky » de Pink Floyd (sur Dark Side Of The
Moon, bien entendu, mais est-ce utile de le préciser ?). Malgré la
pesanteur des riffs vicieux qui lutinent avec une sauvagerie viciée la
virginité de cette voix lointaine venue d’ailleurs, c’est une manière de pause
au milieu d’un album qui ensuite décolle vers les paradis artificiels :
« Nero » est une complainte complètement hypnotique, course en avant
sans retour possible, progression infernale vers les abysses ; malfaisante,
« Destroyer » viole les vagins auditifs avant de naviguer dans un
maelström nébuleux ; enfin, passé une première partie lancinante au fort
goût de stupre («Void »), « Elephantom » ouvre un espace
mortifère et minimaliste aux confins du drone et de l’ambiant. qui dérive
pendant 20 longues minutes dans l’absolu, puis s’achève progressivement jusqu’à
ce que le tempo se ralentisse, comme suspendu dans l’éternité. Beaucoup n’y verront qu’un supplice d’une
chiantise absolue allant nulle part
cependant que quelques élus sauront y déceler une vraie beauté
contemplative. On tient sans doute avec Idolum, bloc massif de matière brute,
l’une des pierres angulaires de la carrière des Italiens. Pourront-ils faire
mieux la prochaine fois ?
(cT08)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire