Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de
Virus, quelque chose qui ne tourne pas rond. Le chant, profond, habité, est
complément hanté et affirmer que les guitares sont dissonantes relève du
truisme. Rien, absolument rien ne file vraiment droit au sein de The Black
Flux. Tout semble y être déglingué, à l’image de ces riffs, véritable
stratigraphie de couches empilées de traviole. Mais à la vue du pedigree du
principal instigateur de ce groupe, le cultissime Czral-Michael, cela n’a de
fait rien de surprenant. Si l’homme peut se targuer de posséder à son tableau
de chasse des formations aussi influentes que Satyricon, Ulver (sa voix ne peut
qu’évoquer celle de Garm) ou Aura Noir, c’est surtout pour son implication dans
Dodhmeisgard et plus encore dans le singulier Ved Buens Ende qu’il est admiré.
Soit un gars qui n’a rien d’un intégriste et qui, au contraire, estime que le
black metal ne doit pas demeurer inféodé à de quelconques règles. Il y a
d’ailleurs beaucoup de Ved Buens Ende dans Virus, projet un peu paresseux né en
2000 et dont cet opuscule n’est que la seconde offrande. Cependant réduire ce
groupe à cette filiation tient pour le moins du raccourci commode car il
emprunte d’autres voies, plus progressives, plus bizarres encore, à la croisée
des chemins de VoiVod et Talking Head ( ?), comme ses géniteurs se
(com)plaisent à le dire. Nous voilà donc bien avancé avec cette définition
aussi bancale (bien que pertinente) que la musique proposée ici. Ainsi parler
de metal noir semble presque absurde et ne serait-ce le rôle de ses parents
dans ce mouvement, il est clair que Virus ne noue que peu d’attache avec cette chapelle, dont il ne conserve que
de lointaines fondations bien érodées qui plus est par des influences qui
dépassent ce cadre. Mieux vaut donc parler de post black metal, étiquette
fourre-tout qui agglomère des formations telles que Solefald, Arcturus, Ulver,
voire Enslaved également, autant de groupes certes différents mais qui ont en
commun le fait de s’être très vite affranchis de certains invariants qui
gangrènent l’art noir. Mid-tempo,
hypnotique, sombre, étrange, dérangeant aussi, sont autant de qualificatifs
pour décrire The Black Flux, magma sonore qui libère un fluide vicieux et froid
et secrète un désespoir intense bien qu’il s’exprime de manière plus originale
qu’à l’accoutumée. De « Stalkers Of The Drift » au superbe
« Strange Calm », ces neufs échappées viciées et bringabalantes ont
cette particularité qu’elles se ressemblent un peu toute, ce qui contribue à conférer
à cet album une impression de répétition, de va-et-vient lancinant sans pour
autant paraître redondant ou répétitif justement. The Black Flux a quelque
chose d’un tourbillon qui vous avale, vous happe, vous envoûte aussi... Une
œuvre singulière donc, faussement simple, à l’image de ceux qui l’ont enfanté
et qui mérite nombre d’écoutes si l’on veut goûter aux richesses cachées au
fond de sa précieuse intimité humide car elle n’ouvre pas ses cuisses aussi
rapidement qu’on le voudrait. Une gemme rare et noire. (cT08)
Post Black Metal | 53:11 | Season Of Mist | BC
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