Contrairement aux apparences, Wardruna n’est pas le
projet solo de Gaahl, grand prêtre de l’Eglise de Gorgoroth, dont la renommée
sulfureuse est forcément mise en avant afin de faciliter la visibilité de ce
Runaljod qui est en fait le fruit d’un très long travail composé pendant près
de six ans par Einar « Kvitrafn » Selvik, plus connu pour son
implication au sein de Gorgoroth (en tant que batteur entre 2000 et 2004) et
surtout de Jotunspor. Loin de leurs terres habituelles, les deux musiciens
auront donc mis six années pour parvenir au bout de ce projet ambitieux :
honorer le folklore norvégien, la nature, les légendes de ce pays par le biais
d’une musique ritualiste, ésotérique aux confins de l’ambient folk, aidé par
l’utilisation d’instruments traditionnels (Harpe de bouche, corde de chèvre…),
de sons inédits (bruits d’arbres, de feu, d’eau, d’oiseaux…) et de chœurs
féminins. Il n’est pas si facile d’enfanter ce genre d’album. Entre les mains
de médiocres, Wardruna aurait très certainement sombrer dans la fange d’un folk
metal de bas étage. Au contraire, entre les mains d’artistes sincères et
talentueux, comme c’est le cas de Kvitrafn et Gaahl, l’entreprise se pare d’une
dimension transcendantale absolument énorme. Runaljod – Gap Var Ginnunga nous
convie à un voyage spirituel envoûtant, sombre et magique, dont le guide est un
Gaahl qui se fait chaman. Homme de conviction, sa présence n’a rien d’étonnant.
Son attirance pour le satanisme et le paganisme n’est pas feinte, contrairement
à toutes ces faces gargouilles qui pensent
qu’il suffit de poser dans la neige en faisant la gueule pour se faire passer
pour des adorateurs du Grand Bouc. A des années-lumière des ritournelles pour
troubadours qui chantent les temps anciens, Wardruna incarne la fusion des
éléments où la nature, l’Homme, les esprits et les Dieux se fondent en un tout.
Hypnotique et mystérieux, Runaljod s’impose comme le plus bel hommage à la
Norvège séculaire jamais écrit, cette terre, l’une des rares où demeurent
encore des espaces vierges de souillures humaines, une terre où survie une
forme de magie presque palpable. Divisé en douze chapitres, cet album est
pourtant de ceux qui ne peuvent se charcuter ; il doit être abordé dans sa
globalité si l’on veut être transporté par les sonorités tribales qui s’en
libèrent. Ce n’est peut-être pas du black metal, ni du metal tout court
d’ailleurs, mais la beauté profonde qui s’en dégage dépasse ce genre de cadre
pour toucher tous les amoureux de la nature et tous ceux qui restent fascinés
par la culture et la mythologie nordiques. Je ne peux donc que vous inviter à
tenter le voyage car Wardruna possède cette capacité rare à faire oublier, ne
serait-ce qu’un temps, la réalité du quotidien pour vous emmener vers
l’imaginaire. Unique et précieux, une œuvre qui sait faire grandir l’âme et
fera date dans l’histoire. (cT09)
Folk Ambient | Indie Recordings | 51:56 | FB
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