Engoncé dans un très beau digipack dont le visuel est
enflammé par la représentation d’une forêt automnale, cette première œuvre de
Svarti Loghin, jeune trio suédois fondé par un musicien du même nom et auteur
jusque là d’une unique démo, affiche d’emblée ses atours, ceux d’un black metal
lent – sans pour autant sombrer dans la spéléologie des abîmes si chères à
toute la frange suicidaire du genre - et
atmosphérique qui prend vie sous la forme de longues compositions, à la fois
répétitives et riches de sonorités aux confins du rock psychédélique des années
70 (le groupe cite étonnement Jefferson Airplane ou les Doors parmi ses sources
d’inspiration), vibrant hommage à la nature en opposition à une modernité vide
de sens qui aliène l’Homme (« Empty World »). Celui-ci se doit de
vivre en osmose avec la nature s’il veut atteindre une forme d’harmonie. Tel
est le message qui court tout du long de ce disque magnifique. Imprégné d’une
mélancolie sourde, d’une fébrilité poignante, cet essai fin et soigné,
caractères précieux qui n’enlèvent rien à sa puissance, trouve naturellement sa
place dans le catalogue du label en devenir ATMF et de sa sous-division A Sad
Sadness Song (SSS), destinée à promouvoir une forme d’expression noire raffinée
et esthétique et dont Empty World est le premier enfant. Signifiant
« Flamme noire » en vieux suédois, patronyme emprunté à un morceau de
son compatriote Arckanum, Svarti Loghin nous offre une sorte de déambulation
contemplative d’une grande beauté tant formelle qu’émotionnelle, dont le
vecteur sont ses guitares obsédantes qui créent un envoûtement auquel il est
bien difficile d’échapper. « Karg Nordisk Vinter », « The
Silence Always Return » et « Cold Void » sont ainsi de petites
perles mélodiques, majestueuses, malgré le chant déchiré du capitaine du navire
et qu’irriguent des riffs lancinants, pinceaux desquels coulent des paysages
sonores qui invitent à une forme
d’introspection. Empty World est une œuvre à écouter seul avec soi-même, dans
l’obscurité d’une nuit hivernale, les yeux rivés au plafond grignoté par les
ténèbres sur lequel défile une vie morne et grise. Les Suédois signent donc un
album de très haute tenue, déjà impressionnant de maîtrise en dépit de la
(encore) jeune expérience de ses créateurs. Un groupe à suivre qui démontre en
outre plus que jamais que c’est bien désormais dans l’underground qu’il
n’aurait sans doute pas dû quitter que le black metal survit
aujourd’hui et non pas à la lumière des projecteurs hébergés chez de gros
labels ; c’est bien grâce à ces hordes de l’ombre que le genre délivre ses plus
belles, ses plus pures offrandes et non pas grâce aux prétentieux Cradle Of Filth et autre Dimmu
Borgir qui n’ont d’ailleurs en réalité jamais honorer l’Art Noir. (cT08)
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