Quand bien même Reverend Bizarre ne sera jamais vraiment remplacé, nous pouvons heureusement toujours compter sur ses deux principaux membres, Albert Witchfinder et Peter Vicar, pour prolonger avec leurs projets respectifs, cette inspiration aussi unique que démesurée. A les suivre séparément depuis 2007, date du split de leur ancien port d'attache, on mesure rapidement ce qui les distinguait et rendait finalement leurs talents si complémentaires. Si le guitariste apportait cette touche traditionnelle typiquement Doom, qu'il exploite aujourd'hui avec Lord Vicar, c'est bien le chanteur qui insufflait à la musique du défunt cette espèce de folie contaminatrice, cette démesure presque cyclopéenne qui la rendait quasi irréelle. Plus que Spiritus Mortis dont il n'est qu'un des rouages et non le moteur, c'est plutôt Opium Warlords qui permet au Finlandais d'exprimer sa vision hallucinée du Doom. Attention cependant, ceux qui espéreraient (re)trouver dans ce projet solitaire une part de Reverend Bizarre en seront pour leur frais, comme le démontre "Taste My Sword Of Understanding", troisième côté d'un édifice monstrueux qu'une vie entière ne suffirait pas à faire le tour, à en découvrir toutes les sombres artères. Précédé d'une (fausse) intro bruitiste qui semble conduire nulle part ('The Sadness Of Vultures'), 'The Self-Made Man' évoque pourtant le spectre de la figure tutélaire du Doom, notamment grâce à son architecture et à la voix claire et sentencieuse du maître des lieux, reconnaissable entre mille dont les harmonies vocales procurent toujours autant de frissons. Durant plus de douze minutes, l'impression de revenir dix ans en arrière, à l'époque de "Harbinger Of Metal", se dessine alors. Plus lourd encore, plus désespéré également, le jeu de guitare n'a pourtant rien à voir avec celui de Peter Vicar, cependant que les nappes de claviers liturgiques qui l'auréolent discrètement n'auraient jamais pu figurer sur un titre du Reverend. La comparaison entre Opium Warlords et ce dernier ne dépasse pourtant pas le stade de cette seconde piste, par ailleurs la plus accessible de ce menu massif et comme toujours avec le multi-instrumentiste, gargantuesque avec ses 72 minutes au garrot. On reconnait bien là la malice du bonhomme qui n'aime rien moins que jouer avec l'auditeur en lui offrant tout d'abord ce qu'il attend pour mieux l'égarer ensuite. Et c'est bien complètement perdu que l'on assiste après cette trompeuse mise en bouche à une plongée terrifiante où les balises et les repères explosent. En effet, expérimentales et hermétiques, les plaintes suivantes semblent vouloir surtout ne pas caresser dans le sens du poils, souvent d'une interminable lenteur ('The God Is Ruins'), parfois brouillonnes ('This Placed Has Been Placed')... Au risque de faire fuir, de lasser le pèlerin égaré dans ce long dédale à la construction maladroite sinon déroutante mais d'où jaillissent heureusement par moments de salvateurs éclairs, à l'image de 'Mount Meru' et ses 14 minutes au jus quand même, dont la subite accélération qui le déchire porte l'incontestable griffe de son auteur, toujours friand de ce genre d'éruptions. Citons aussi l'instrumental 'The Land Beyond The Pole' qui voit sa colonne vertébrale formée par une ligne de basse énorme peu à peu rongée par des rushs de guitare Drone déglinguée. Composé entre 1994 et 2009, originellement conçu comme le successeur du séminal "Live At Colonia Dignidad', 'Taste My Sword Of Understanding" a quelque chose d'un diamant brut, masse grondante dense et inaboutie à la fois, pesante et avant-gardiste où des instants de beauté pure copulent avec des moments pétrifiés. (cT14)
Drone Doom | 72:44 | Svart Records | FB
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