Sculpter avec des notes des sentiments
tels que la tristesse, la mélancolie ou la langueur n'est pas chose si aisée.
Nombre de médiocres gothico-suicidaires grimés comme des corbeaux et se prenant
pour les nouveaux Baudelaire croient y parvenir alors qu'ils ne font que
pleurer leur misère. Le doom romantique et funéraire réclame autrement plus de
noblesse et d'âme. Certains pourtant y parviennent : Shape Of Despair,
Remembrance ou bien, à sa plus modeste mesure, Grey November. D'automne est la troisième oeuvre autoproduites
de ce projet formé par l'écrivain Cedric Seyssiecq, accompagné ici par la
chanteuse Justine et qui porte bien son nom. Automnale, d'une tristesse
plombée, la musique du tandem évoque ces longues marches funèbres figées par
une pluie grise. Plus proche sans doute de la stèle funéraire d'un Dark
Sanctuary, en plus metal toutefois, que du pur doom, ces plaintes étirent un
linceul qui repose sur des couches de claviers mortuaires sur lesquelles
planent des caresses vocales féminines, chantées en français. Parfois une
guitare sentencieuse surgit de la brume, attirant ces mélopées dans des
contrées plus noires encore. D'automne est
un recueil poétique évoquant les romantiques allemands du XIXe siècle. Ses cinq
(forcément) longs chapitres ont quelque chose de déambulations contemplatives
propices à l'introspection et à la réverie morbide. En les écoutant, on voit sa
vie morne défiler en noir et blanc, une vie faite de fautes, de regrets, de
rendez-vous manqués... Le chant d'une triste beauté de Justine est le véhicule
spectral de cette existence de chagrins. Ce n'est certes pas très orignal et
les mauvaises langues argueront que Lethian Dreams a déjà fait aussi bien,
voire mieux, autrefois et que Grey November dérive par moment sur la frontière
ténue séparant pleurnicherie et gravité. Possible. Mais le duo maîtrise son
sujet à la perfection et D'automne s'impose comme son meilleur essai à ce
jour. Surtout, il réussit, mieux que d'autres, plus réputés parfois, à ouvrir
les vannes d'une mélancolie minérale avec une justesse de ton et de touches
tout à fait remarquables. La grande force de Grey November réside ainsi dans
cette faculté qui se conjugue à une sincérité certaine. Je ne peux donc que
vous recommander cette offrande qui mériterait d'être soutenue par un label.
Espérons que les Français en intéresseront un très bientôt... (cT2009)
Funeral Doom | Homepage
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