Négocier l'après-chef-d'oeuvre est
toujours difficile. Et plus encore lorsque le dit chef-d'oeuvre fut aussi un
premier album. L'attente et les espoirs placés dans ce qui sera son successeur
sont alors immenses et s'accompagnent des sempiternelles questions du genre :
"pourront/sauront-ils faire mieux la prochaine fois ?". On en est là
avec ce Resplendent Grotesque,
petit frère que (Code) aura donc mis quatre ans à donner au fabuleux Nouveau Gloaming qui constitua en 2005 pour beaucoup un
second souffle au black metal norvégien, quand bien même le projet accueille
aussi en son sein des Anglais. Il avait cela de fascinant qu'il ouvrait de
nouvelles portes sans pour autant renier un socle âpre et ferrugineux. Comme
souvent lorsqu'un disque est trop attendu, cette seconde offrande peut sembler
tout d'abord décevante. Certes on y croise toujours le chant clair, aérien et
fragile de Kvohst, capable à lui seul de transcender tout ce qu'il touche,
tandis que le groupe à l'architecture à géométrie variable dessine à nouveau
cet art noir évolutif dont la négativité abyssale se voit constamment fissurée
par une beauté déglinguée bien qu'absolue. Mais l'album est court, trop court
sans doute et ne se faufile pas vraiment dans les tunnels creusés par son
aînés. Tout d'abord, on le regrette. Puis, les écoutes aidant, on s'en félicite
cependant que peu à peu l'ossature de Resplendent
Grotesque dévoile ses
trésors. Drapés dans une dramaturgie grandiloquente, à laquelle participe la
voix minée par une grande fébrilité de Kvohst (l'ahurissant "Jesus
Fever"), laquelle se lance le plus souvent dans un dialogue aux accents
métaphysiques avec des gargouillis écorchés, ces huit faux-semblants au relief
vallonné fendent les eaux troubles d'un océan tumultueux. Plus ramassés, plus
vicieusement malsains également que ceux formant la trame de Nouveau Gloaming, ils sont
irrigués par ces guitares qui grésillent et labourent les chairs tel des
scalpels aussi démoniaques qu'obsédants ("Possession Is The
Medicine", "The Rattle Of Black Teeth"). Pour (Code), le black
metal n'est qu'un substrat, certes parfois fiévreux (l'introduction de "In
The Privacy Of Your Own Bones") dans lequel s'enracine un édifice dont
chaque partie est un prétexte pour aller prendre à revers l'auditeur. Reptation
belle et vénéneuse à la fois, "A Sutra Of Wounds" illustre bien cette
faculté que possède le groupe à nous entraîner dans un labyrinthe d'un baroque
flamboyant. L'armure est noire mais à l'intérieur sont tapis des atours souvent
très mélodiques ("I Hold Your Light" qu'aucun éclair ténébreux ne
vient jamais plonger dans l'obscurité). Malgré tout et avec l'intelligence qui
la caractérise, cette dreamteam de l'extrême ne fait aucun pas, ne serait-ce que
timide, vers le pèlerin. Une gemme charbonneuse telle que "Smother The
Crones" (peur-être l'Everest de cet album) pourrait dans un premier temps
le faire croire. Toutefois, une analyse plus poussée de cette superbe entame
infirme en fait cette impression trompeuse. Resplendent Grotesque est une oeuvre difficile à suivre,
tout comme l'était déjà Nouveau
Gloaming mais d'une manière
autre. Et s'il ne parvient pas à l'égaler, ce second essai surnage bien
au-dessus du tout venant de l'engeance noire. (cT2009)
Post Black Metal | 34:52 | Tabu Recordings
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