J'aurais pu débuter cette chronique de
cette manière : "Suédois de sang, Ocean Chief est en revanche américain de
coeur tant son stoner doom a un goût épicé de ketchup". Ce qui n'est pas
faux du reste. Mais une observation plus attentive révèle que cette définition
a ses limites. Ocean Chief ? Vous ne connaissez peut-être pas. Power-trio,
guitare-basse-batterie donc, les Scandinaves ont déjà vidangé deux coulées de
lave remarquées (The Oden Sessions et Tor) et surtout un split référentiel avec
leur compatriotes de Runemagick, le cultissime The Northern Lights il y a deux
ans. Avec cette patte lourde et velu, ils sculptent un doom coulé dans le moule
du stoner le plus puissant. Une enclume telle que "Tomrum" porte
ainsi les stigmates du metal US qui sent sous les bras. Le chant procède
notamment de cette filiation. Sauf que le trio n'oublie jamais d'où vient, où
il est né. Héritier d'un son rugueux établi par les ancêtres Entombed, Ocean
Chief tend de fait un pont entre la sécheresse du death à la suédoise et la
chape de plomb qui ne dépasse jamais la seconde. Den Förste, troisième rejeton,
s'apparente à une leçon. Comme toujours, les pistes se déploient sur une durée
conséquente (jusqu'à 16 minutes au jus pour "Sang"), quand bien même
le groupe est, par le passé, allé beaucoup plus loin, n'hésitant pas à tutoyer
la demie heure (!). Les réjouissances se composent de trois mines granitiques
qui charrient des riffs goudronneux pataugeant dans une mélasse mazoutée tandis
que la batterie a quelque chose de récifs noirs brut de chez brut. Le rythme
est sentencieux et ne décolle jamais vraiment. Ces mecs aiment prendre leur
temps, ils assènent des coup de boutoir gras comme le repas de famille
dominical. Ils n'oublient pas non plus de soigner les atmosphères, témoin cette
pellicule d'ambiance qui multiplie par 12 la valeur ajoutée de "Den
Förste" et "Sång", deux périples à l'architecture avant tout
instrumentale et s'étirent en de longs développements, parfois au bord d'un
gouffre désespéré pour le second, qui prolonge l'agonie de sa trame de (très)
longues minutes durant vers un final qui ralentit peu à peu jusqu'à mourir en
un murmure lancinant. Terrassant comme un golem, Ocean Chief maîtrise
l'érection d'un bloc massif, pétrifié et terreux, forteresse imprenable aux
arêtes vives saignées à blanc. Du doom, oui, lent comme un cortège funéraire,
aussi, mais écrasant et doté d'un relief souligné au marqueur. Du bon, du
lourd... (cT2009)
Stoner Doom | 37:03 | Electric Earth Records
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