Silhouette funéraire d'une beauté glaciale durant ces
prémices, Katatonia s'est peu à peu éloigné du cimetière, aidé en cela par un
line-up stabilisé, pour arpenter une terre plus mélodique bien que toujours
très personnelle, totalement désespérée et dans la continuité du Dark sépulcral
des débuts. Le pivot de cette évolution fut un Tonight's Decision qui divisa
autant les fans qu'il contribua à en drainer de nouveau. Depuis, chaque nouvel
album creuse toujours un peu plus le même sillon, le dirigeant vers une forme
de pureté et d'achèvement. Proche de son prédécesseur, The Great Cold Distance,
Night Is The New Day pourra sans doute décevoir de prime abord. En ce sens, les
premières écoutes, certes agréables laissent un sentiment amer, celui du
déjà-entendu. C'est particulièrement évident avec le pourtant magistral
"Liberation" qui n'apporte rien de neuf sous le soleil noir et pale
des Suédois. Mais Katatonia n'est pas un groupe comme les autres ; son art
réclame attention et de multiples stations à son endroit si l'on désire
capturer une essence qui ne se dévoile jamais aisément. Ainsi, les écoutes
aidant, on pénètre progressivement le coeur de Night Is The New Day, après
avoir traversé la croûte terrestre qui le protège de l'immédiat, de
l'instantané. Fortes d'une ossature dense et concise, les compositions révèlent
un travail d'écriture et d'arrangement digne d'une mécanique d'orfèvrerie,
quand bien même ce terme ne se marie pas réellement à des chansons plus
émotionnelles que techniques. Posées, elles renvoient une image de tension
contenue ("Liberation", "Nephilim") en même temps qu'elles
allient avec fluidité voiles atmosphériques ("Onward Into Battle",
"Inheritence") et puissance minérale ("Forsaker", "Day
And Then The Shade"). Le groupe reste fidèle à une signature qui
n'appartient qu'à lui dont il ne se départira sans doute jamais, laquelle
repose à la fois dans le chant éthéré d'une belle fébrilité de Jonas Renkse et
dans les riffs obsédants de Anders Nyström, qui parvient toujours à en dire
beaucoup avec bien peu ("The Longest Day", "The Promise Of
Deceit" et surtout "New Night"). Toutefois, à défaut de la
transcender, il lui injecte par petites touches des motifs inédits : nappes de
claviers hantés "Onward Into Battle"), percées atmosphériques presque
progressives ("Forsaker" sur lequel plane l'ombre d'Opeth sans que
l'on puisse véritablement affirmer lequel des deux a influencé l'autre) et une
pincée electro/triop-hop parcimonieuse (le terminal "Departer" où
Jonas confère à sa voix une tessiture étrange). Sans s'imposer comme la
meilleure oeuvre de ses auteurs, si tant cela veuille dire quelque chose, il
n'en demeure pas moins que Night Is The New Day est encore une belle réussite à
mettre à l'actif d'un Katatonia qui conserve toujours une longueur d'avance par
rapport à tous ses émules. D'une quasi perfection, elle donne l'image d'un
groupe qui possède l'assurance que confère une maturité depuis longtemps
acquise. Une oeuvre à la fois pesante et évanescente mais toujours aussi belle
et frissonnante. Katatonia a réussit ce que ce beaucoup rate : évoluer tout en
conservant son essence. (cT2009)
Atmospheric Metal | 48:54 | Peaceville Records
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