On peut respecter les règles encadrant un
genre tout en proposant une vision personnelle de ce dernier. Darkspace l’a
bien compris, lui qui depuis trois albums, sculpte un Art Noir qui n’appartient
qu’à lui. S’il se repaît dans l’humus norvégien de l’âge d’or, celui des
églises brûlées, celui de Darkthrone, Emperor et Burzum, le groupe suisse
plonge ce terreau dans une dimension inédite et cosmique. Sa musique dévoreuse
d’espace se révèle d’une densité étouffante, oppressante, noire mais néanmoins
toujours envoûtante et belle. La manière dont elle emplit l’espace est tout
bonnement incroyable. Cette troisième offrande emprunte un ravin identique à
ses deux devancières que beaucoup ont (re) découvertes grâce au label
Avantgarde qui a eu la judicieuse idée de les rééditer, mais n’hésite pas
cependant à propulser parfois ce black metal sinistre jusqu’aux portes du
funeral doom (la quatrième piste, notamment). Selon leur habitude, les
musiciens ont pris soin de ne dresser aucune balise, aucune lanterne pour guider
l’auditeur dans ce magma sonore qui voit copuler la vélocité la plus débridée
et un sens des atmosphères superbe et ténébreux. Ni paroles ni titres de
chansons ( ?), seulement un monolithe de près d’une heure dont la rigueur aride
rend son appréhension des plus difficiles. Privés de repères, il ne nous reste
plus qu’à nous abîmer dans ce torrent d’énergies négatives, d’émanations noires
et pétrifiées qui prend fin sur une interminable pulsation au bord de la
rupture qui semble ne jamais vouloir s’achever . Sans lumière, sauf peut-être
durant les dernières mesures de la troisième plage qui confinent presque au
divin, celui d’une Entité extra-terrestre créatrice. Darkspace est un peu au
black metal ce que Esoteric est au doom ; il façonne des paysages uniques
ouverts sur le cosmos, sur un univers infini. Le chant écorché, inhumain est
noyé dans un maelström essentiellement instrumental où les guitares empilent
une stratigraphie lugubre de couches prolifératrices et que drapent de nappes
atmosphériques des claviers fantomatiques. Par le biais de sept longues
complaintes astrales navigant entre dix et dix-sept minutes implacables, le
groupe nous plonge dans un trou noir absolu sans espoir de retour d’une beauté
abyssale. Comment de simples êtres humains peuvent-ils forger une telle
bande-son ? Car, sans doute jamais un groupe n’est parvenu à aussi bien
matérialiser l’Espace, cette voûte noire, inquiétante et opaque, ce monde
encore inconnu en une expression musicale si glaciale. Si riche et passionnante
aussi. Plus que jamais Darkspace semble provenir d’une autre planète. On tient
là certainement la plus grande création en matière de Black metal de l’année
2008 qui fera date dans l’histoire du genre. Gigantesque. (cT2008)
Space Black Metal | 79:14 | Avantgarde Music
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