On n'aborde pas une nouvelle oeuvre d'Amber Asylum comme n'importe quelle rondelle digitale. Centre névralgique d'une bonne partie de la scène metal de San Francisco (Saros, Hammers Of Misfortune, Ludrica, Weakling...), cette entité à géométrie variable autour de sa figure de proue, la violoniste Kris Force, occupe ainsi une place singulière depuis ses débuts au milieu de la décennie passée. Tout en étant à des années-lumière de la musique qui nous est si chère, elle partage néanmoins (souvent) avec celle-ci, outre de nombreux musiciens, une vision crépusculaire du monde identique. Chasque nouvel album est une pierre supplémentaire à un édifice précieux et cohérent. A la croisée du mouvement néo-classique et de la dark ambient, l'art d'Amber Asylum développe un dramaturgie épurée. Bitter River le démontre à nouveau. Secondée désormais par la talentueuse Leila Abdul-Rauf, Kris Force continuer de creuser un sillon très personnel qui de fait ne ressemble à aucun autre. Son atout ? Cette faculté à conserver la beauté ténébreuse de la musique orchestrale là où bien trop de traine-savates la contamine par une approche pompeuse et stérile. Loin, tellement loin de tous ces médiocres brochettes sympho gothico pouf, la musicienne tisse un voile mélodique dont chaque fil est une note de tritesse infinie. Avec un sens de la mélancolie dépouillée et une grande noblesse de trait, elle utilise son violon comme un pinceau servant à peindre des paysages automnaux. Oeuvre désenchantée, Bitter River suit une trame instrospective dont la colonne vertébrale sont les lignes tragiques esquissées par la maîtresse des lieux ("Fear And Doubt (In The Frozen Dawn)"). Insaisissable mais pourtant miné par un désepoit qui fait plus qu'affleurer à cette surface ocre, "Twilight" nous invite dans ce voyage vers la mort. "Bitter River ", percé de notes de piano funèbres s'enfonce encore davantage dans cette inexorabilité squelettique, dont le véhicule est aussi cette voix féminine désincarnée. Les superbes "Bouding Main" et "Auger Of Thrall" poursuivent ce chemin spectral où défilent des images en noir et blanc d'une vie naufragée. Avec bien peu, Amber Asylum parvient à tirer des larmes à l'auditeur. Parfois une guitare acoustique aux teintes hispanisantes ("Thee Apothecrary") ou un piano sentencieux ("Haze Reprise") suffissent. Lors de la longue pièce "Nocturne", c'est Jarboe dont la lointaine mélopée narrative suinte un malaise palpable, qui appuie sur l'interrupteur, soulignée par la présence fantomatique de Kris Force. Fidèle à une exigence et à celle plastique aride sinon austère mais néanmoins très belle, dont il ne se départira jamais, Amber Asylum livre un nouveau joyau à écouter religieusement et seul dans une pièce envahie par l'obscurité. 7/10 (Music Waves)
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