L'angoisse de la
page blanche, le chroniqueur aussi la connaît. Au moment par exemple de se
lancer dans la critique d'Occult Rock, nouvel opuscule attendu comme le messie
par les fidèles d'Aluk Todolo. Pourquoi une telle difficulté ? La raison est
double. Au moins. Premièrement parce qu'un chef-d'œuvre n'est jamais aisé à
chroniquer. Or Occult Rock en est un. Très certainement, quand bien même ce
terme O combien galvaudé à force de faire appel à lui à tout bout champ et
surtout pour rien, ne veut plus dire grand chose. Pourtant, on ne voit pas
trop, souhaitant évoquer cette troisième offrande, comment éviter l'emploi de
ce trophée. Deuxièmement parce que la musique - notez bien ce mot puisqu'il ne
s'agit pas d'autre chose même s'il ne sera pas partagé par tous - d'Aluk Todolo
échappe par sa nature à toute définition
facile, à toute étiquette commode, ce qui la rend si délicate à aborder, à
expliquer. Mais Aluk Todolo s'explique-t-il ? Sans doute que non car il est une
question de foi plutôt que de raison. Aux confins du Black Metal pour l'absolue
négavité qui le ronge, du Krautrock cosmique et de la musique minimaliste par
cet art de la répétition porté à son paroxysme, du Drone pour cette guitare au
bord de la folie prolifératrice voire de la Noise pour la maladive dissonance
qui le vrille constamment et pourquoi pas du Hard Rock antédiluvien (on pense
parfois aux versions live du 'Space Truckin' de Purple lorsque Blackmore
faisait hurler sa Stratocaster pendant de longues et infernales minutes), son
(occult) Rock a de fait quelque chose d'un magma intensément organique et
viscéralement hypnotique. Une des grandes forces du trio tient à sa capacité à
expulser du gouffre obscur qu'il creuse, des geysers de beauté, à transformer
la laideur d'émanations stridentes en un éclat noir, les larsens en (brèves)
éruptions de lumière, une lumière toutefois trafiquée, polluée, délavée. Une
troisième raison peut enfin être avancé : bien que scindé sur le papier en huit
pistes anonymes se réduisant à un simple numéro ( de 1 à 8 donc), Occult Rock
est en réalité un bloc de matière brute et compact de plus 80 minutes (défilant
toutefois trop vite) qu'il convient d'appréhender dans sa tentaculaire
globalité, davantage que par morceaux néanmoins individualisés en cela qu'aucun
d'entre eux ne ressemble totalement aux autres malgré un substrat commun.
Plutôt que de les décrire en détails, encore que ne mentionner ni la
déflagration noire propulsant "Occult Rock I" ni la fulgurance
cosmique de "VII" ni la transe lancinante teintée de psychédélisme au
bord de la rupture de "IV" serait impardonnable, s'il ne fallait
retenir qu'une chose de ces titres est qu'ils sont dans la continuité des
performances sonores délivrées par le groupe sur scène. Un peu comme si
celui-ci était (enfin) parvenu à capter cette hallucinante autant qu'hallucinée
énergie négative dont seuls ses happenings drainaient jusqu'à présent,
conférant ainsi à Occult Rock un aspect vivant même s'il s'agit plus de mort
que de vie... Rituel grondant d'une puissance volcanique et mystérieuse, Occult
Rock vous hantera longtemps encore après l'écoute achevée, les épais résidus
qui laissent dans la mémoire, n'étant
pas prêts de s'effacer... (Alternative 2012)
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