Si Ash Ra Tempel a toujours connu un line-up fluctuant autour du maître des lieux Manuel Göttsching, véritable plate-forme artistique pour nombre de musiciens gravitant au sein de la scène berlinoise, c’est surtout à partir de son sixième opus, Inventions For Electric Guitar, que le groupe se confond alors totalement avec son guitariste. Tout seul dans son studio, il enfante donc cet album qui reste aujourd’hui encore une des pierres angulaires de son œuvre car il a fixé durablement le style de son géniteur, ce jeu aérien léger comme une brise, caresse musicale pleine de finesse comme touchée par la Grâce. Arc-bouté uniquement sur des lignes de guitare et des nappes de synthétiseur, ce disque est parfaitement résumé par son titre : les trois plages qui le composent sont des inventions, une exploration d’un instrument que l’Allemand propulse vers des sphères inédites, plus encore que David Gilmour, artiste dont il se rapproche par moment. La filiation est des plus évidentes sur le gigantesque "Echo Waves", long voyage de près de 18 minutes à travers le spectre infini d’une six-cordes stratosphérique qui libère des ondulations magnétiques envoûtantes, lesquelles, finissent par tracer une sorte de transe hypnotique. Tandis que le cosmique "Quasarsphere" déambule dans un espace cotonneux, guidé par une guitare pointilliste, l’énorme "Pluralis" braconne sur les terres de Mike Oldfield dont les travaux contemporains (Hergest Ridge,Ommadawn), bien que plus accessibles, ne semblent parfois pas si loin que cela. Cette longue (plus de 20 minutes au compteur) piste atmosphérique déroule tout d’abord un accord répété à l’infini sur un tapi de sons électroniques qui prolifèrent, se répandent en un maillage évanescent. Puis, Göttsching commence à tricoter avec sa Gibson des boucles qui progressent crescendo pour s’élever très haut, avant que sa guitare n’ouvre les vannes d’une cascade d’effluves électriques qui parachèvent l’album. Touche à tout de génie (comme on dit), Manuel Göttsching a réussit, avec Inventions For Electric Guitar, à conférer une nouvelle dimension à cet instrument, une dimension à la fois hypnotique, contemplative et planante qui confine à une forme de pureté, de beauté divine et absolue. Loin du rock cosmique expérimental en vigueur surAsh Ra Tempel ou Join Inn, loin également du psychédélisme qui colorait Seven Up et Starring Rosi, ce millésime 1975 pose les jalons du superbe New Age Of Earth et annonce déjà les créations plus récentes d’un musicien hors du commun bien qu’en définitive (malheureusement) assez peu connu du grand public. (Music Waves 2011)
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