Après huit ans d’absence depuis Apollo Ends,
uniquement rompus par le single Suspiria en 2003 qui aurait dû figurer sur un
tribute au film de Dario Argento du même nom et au Goblin qui en composa la
bande originale mais qui ne verra finalement jamais le jour, c’est comme un
nouveau départ pour Sculptured. Pour ceux qui ne le connaissent pas, les
présentations s’imposent. Son état-major situé à Seattle, le groupe est en
réalité un projet (désormais) parallèle de deux membres (trois autrefois)
d’Agalloch, Don Anderson (chant, guitares) et Wallon (basse) ainsi que de Andy
Winter qui tient les claviers chez les Norvégiens de Winds et dont on reconnaît
immédiatement la patte. Il serait tentant de réduire le groupe au simple fruit
de la copulation entre ces deux corps. Il n’en est pourtant rien et le projet
vaut mieux que ce raccourci facile. Si vous vous attendez aussi à un Agalloch
bis, vous en serez pour vos frais. Si on retrouve en provenance du principal
port d’attache de ses deux leaders, les mêmes atours dark, en moins prononcés
toutefois, Sculptured fait quant à lui contrairement à son aîné, plus que
goûter du bout de la langue la fente humide du progressif, il la pénètre
profondément. Son troisième essai construit autour d’une thématique anatomique,
Embodiment braconne donc sur les terres de l’extrême progressif. Souvent longs,
comme le veut le genre, ses cinq pistes se nourrissent du rock progressif des
années 70, influences qui transpirent par les pores de claviers qui retrouvent
le son de l’époque et par des voix à la Yes, comme sur « Shape Of
Rage », mais un progressif souvent assombri par des lignes vocales bien
dark. Les guitares affichent tour à tour un visage limpide, aérien ou au
contraire, lourd et rongé par la dureté. Ce mariage pourrait sembler maladroit :
il est en fait étonnant et réussi. Sculptured libère un metal proteiforme,
riche d’arabesques et de plans complexes, à l’image de « Taking My Body
Apart », qui ouvre le bal, long voyage traversant de multiples paysages
sonores, tandis que « Bodies Without Organs » ne cesse lui aussi
d’osciller entre les deux seins que le quatuor tète avec gourmandise. Dense
certes, Embodiment n’est malgré tout jamais étouffé par une quelconque
surenchère technique. L’introduction, sublime, de « Moment Of Uncertainly »
ou le long (plus de dix minutes) et terminal « Embodiment Is The Purest
Form Of Horror» dont le final, empreint d’une réelle mélancolie, se révèle
absolument divin, illustrent cette capacité que possède le groupe à maquiller
son art de touches pleine de beauté. Un très bon album donc, foncièrement
original car il offre une lecture passionnante (et pertinente) de la musique
progressive mais dont on aurait souhaité qu’il se déleste de quelques titres
supplémentaires. (cT08)
Progressive Death | 39:19 | The End Records | FB
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