S'il ne lui doit pas tout et nonobstant donc le talent
de Sean Jude, qui en est l'âme, il n'en demeure pas moins que sans le
patronage d'Anathema, Leafblade n'aurait certainement pas rencontré la même
exposition et son premier album, Beyond Beyond, le même succès. La présence de
Danny Cavanagh, avec lequel Jude forme le duo autour duquel le projet s'est
développé, aussi bien sur scène qu'en studio, a nécessairement rameuté les fans
de la dernière partie de carrière des anciens piliers du UK Doom. Ceci dit et
alors que Leafblade s'est mué entre temps en un véritable groupe, enrichi d'une
solide section rythmique (soit Kevin Murphy, ex Valle Crucis et Daniel Cardoso,
d'ailleurs actuel batteur d'Anathema !),
quatre ans séparent le galop d'essai de The Kiss Of Spirit And Flesh, pourtant
composé en grande partie durant l'année 2010. Il semble qu'aucun label ne
souhaitait le distribuer. Le salut vient donc encore fois d'Anathema puisque
que c'est K-Scope qui récupère le bébé, offrant du coup à ses auteurs de rejoindre
sa famille de cœur. Le passage d'Aftermath à l'écurie dominée par Steven Wilson
(Porcupine Tree, faut-il le rappeler ?) traduit bien le glissement de sonorités
autrefois forestières et champêtres vers des modelés désormais plus
atmosphériques cependant que le recrutement d'un bassiste et d'un batteur à
temps plein confère une force inédite à cette musique aussi élégante que
charmante bien que toujours empreinte d'une espèce de spiritualité poétique.
Cette évolution se lit surtout sur "Bethelem", amorce quasi
progressive puis "Oak Machine" au souffle puissant, écrins au
demeurant superbes où se nichent toujours ces lignes de guitares boisées et le
chant fragile du maître des lieux, à l'inspiration inchangée. Autre sentinelle
captant notre intention, l'émotionnel "Portrait", longue respiration
terminale toute en arpèges épurés et qui peu à peu s'élève comme la brume avant
de mourir délicatement. Entre ces trois échappées, l'œuvre vibre aux accents
acoustiques de ces guitares belles comme un chat qui dort. La partie centrale
de "The Hollow Hill", que tapissent aussi des nappes de claviers,
procure des frissons, tout comme le court instrumental - seuls quelques chœurs
l'animent - "Fushia" dont les couleurs médiévales le rapprochent de Beyond
Beyond. Plus rock ("Sunset Hypnos", "Thirteen"), moins
personnel sans doute aussi, The Kiss Of Spirit And Flesh est un album lumineux
qui ne décevra pas ceux qui ont découvert le groupe il y a quatre ou cinq ans
et devrait lui permettre d'attirer un autre public, celui de l'école K-Scope.
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