A l'heure où vous lirez (peut-être) ces quelques
lignes, Merkstave ne sera déjà plus, drapant encore davantage cet unique essai
longue durée d'un halo culte, que le pedigree de ses géniteurs lui conférait
pourtant déjà. Collectant les noms de quelques unes des formations - citons
pêle-mêle Mania, Oak, Hell ou encore Velnias -
les plus passionnantes de l'underground US contemporain, d'obédience
Black Metal en particulier, l'entité avait de quoi affoler l'érectomètre
l'amateur éclairé. Lament For Lost Gods puis Spawn Of A lower Star, deux démos
tape épuisées avant même d'être mises en vente, ont amplement contribué à
façonner cette aura de Graal doloriste. A raison. Point final d'une trajectoire
trop éphémère, nous pourrions râler et reprocher à cet album éponyme qui voit
aujourd'hui la nuit sous la forme d'un noble vinyle, de n'être en réalité plus
que la simple addition des deux offrandes séminales, qu'aucun nouveau titre ne
vient compléter. Oui, mais nous ne le ferons pas, trop heureux de pouvoir enfin
ne serait-ce que savourer ces trois plaintes à l'intimité enfin entre-ouverte.
En toute logique, le menu respecte la trame des deux démos, s'ouvrant sur le
diptyque "Lament For Lost Gods" pour s'achever sur le quart d'heure
de "Spawn Of A Lower Star". Merkstave démontre au moins une chose,
que la frontière entre le Funeral Doom et le Black Metal s'avère des plus ténues.
De fait, les racines ténébreuses de ses auteurs font plus qu'affleurer à la
surface de ces complaintes anesthésiées. La noirceur cendreuse et certaines
lignes de chant hurlé qui vient percer à intervalles irréguliers cette voûte
abyssale participent de cet arrimage. La première moitié a l'allure d'un
bathyscaphe s'enfonçant peu à peu au fond d'une fosse d'une profondeur telle
qu'aucune lumière ne peut l'atteindre. Bourdonnantes et connectées au centre de
la terre, les guitares aux confins d'un Drone maladif viennent s'écraser contre
une falaise aux dimensions cyclopéennes. Si le batteur a le temps d'aller
pisser entre deux coups de caisse claire, le rythme engourdi parvient pourtant
à s'emballer soudainement à mi-chemin, colorant le titre de moisissures Black
Metal. Clair et solennel jusque là, le chant se transforme en hurlement de
créatures de la nuit. Plus court, la second segment de "Lament For Lost
Gods" s'abîme dans les méandres caverneux du Doom Death, cathédrale de
souffrance dont les arcs-boutants sont ces guitares rocailleuses qui tissent
une toile d'une inexorable tristesse. Marche funèbre immobile, la complainte
terminale semble quant-à elle ne jamais vouloir mourir, secouée par des riffs
telluriques sécrétant un désespoir absolu et que seules quelques notes d'un
piano grêle lors des dernières mesures et de timides sursauts figés dans la
pierre, viennent en briser l'indicible
monotonie. A la fois somme et testament d'un groupe à l'inspiration démesurée,
Merkstave a quelque chose d'un magma funéraire d'une puissance métaphysique. (La Horde Noire 2013)
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