Il y a des indices qui ne trompent pas. L'écrin visuel
de Circumambulation, qui confine à l'épure, en est un justement, simple visage
féminin dont le profil se découpe sur un fond noir. Noir comme l'encre. Un peu
à l'image finalement de la musique façonnée par True Widow que la récente
signature chez Relapse (il était autrefois hébergé par Kemado, ce qui lui
correspondait peut-être mieux) pourrait faire passer - à tort - pour un nouveau
rejeton du Sludge Doom US. Ce qu'il n'est pas. Bien évidemment. Il y a chez ces
Texans une singularité bizarre, une manière de sonner, à la fois pesante et
déglinguée, léthargie sous psychotropes, qui les rend si différents et leur
confère ce charme immédiat, cette saveur étrange, quasi métaphysique. De là,
aussi la difficulté de les étiqueter. Rock alternatif et arty ? Indie Pop ? Post-punk ? Eux parle
de Stonegaze. Pourquoi pas, d'autant plus que cette association à priori
antinomique entre le Stoner et le Shoegaze, a au moins le mérite d'esquisser
l'ambivalence d'une bande-son qui à la puissance rentrée du Doom conjugue la
dimension éthérée d'un chant féminin sous acide, presque somnanbulique. D'autres ont déjà tenté, avec plus ou moins
de bonheur, cette fusion entre pesanteur et mélancolie veloutée - on pense par
exemple à Ides Of Gemini - mais True Widow possède tout simplement une
profondeur, une gravité qui n'appartiennent qu'à lui. Est-ce la voix spectrale
de la bassiste Nicole Estill ? Est-ce la guitare désaccordée de DH Phillips qui
par ailleurs seconde parfois la belle derrière le micro ? Sans doute un peu
tout cela à la fois. Sorte de rêverie maladive, Circumambulation est la
troisième offrande des Américains, déjà auteurs d'un galop d'essai éponyme en
2008, suivi trois ans plus tard de As High As The Highest Heavens And From The
Center To The Circumference Of The Earth (?). On navigue tout du long dans un
entre-deux, clair-obscur douloureux écartelé entre noirceur et lumière, entre rythmique
lancinante et mortifère ("Creeper") et déambulation vaporeuse aux
accents Pop-Ambient (le très beau "Four Teeth"). Mais toujours, la
tristesse est là, prégnante, poisseuse, même au détour d'une pulsation
instrumentale squelettique telle que "I:M:O". Tout y est englué dans
une amertume contemplative qui ne s'estompe jamais vraiment. Circumambulation
envoûte autant qu'il engourdit, creusant de profonds sillons dans la mémoire.
Ses accords grêles et ce chant de sirène pétrifiée vous hanteront longtemps
encore une fois l'écoute achevée...
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