Mais comment fait-il ? Oui, comment fait le vénéré Lee Dorrian, chanteur de Cathedral et accessoirement boss du label Rise Above, pour régulièrement dénicher des groupes qui semblent s'être faufilé à travers une brèche temporelle ? Après Circulus, Diagonal ou Blood Ceremony, c'est au tour d'Astra qui vient grossir le rang de ces Marty McFly du rock. Basé quelque part vers San Diego, l'équipe a vu le jour au début des années 2000. A l'écoute de The Weirding, son premier voyage à travers le temps et concept-album chevauchant le thème de la mort et la contemplation de celle-ci, cela ne saute pourtant pas aux oreilles ! Tout ici donne l'impression d'avoir été composé et capturé il y a près de quarante ans. Patine sonore chaude et organique, longues dérives stellaires au maillage instrumental virtuose et stratosphérique, flute, mellotron, orgue Hammond : tout est là. Sans oublier la pochette à l'esprit Yes et Asiaévidemment. Cet album est une véritable leçon de rock progressif antédiluvien anglais, celui des pères fondateurs : Yes donc, mais aussi Camel, Genesis, King Crimson... Par moment, Astra tend une perche vers les Beatles pour certaines harmonies vocales ("Beyond To Slight The Maze"), cependant que la voix de canard enrhumé à la Ozzy convoque le spectre du Sabbat noir époque Sabbath Bloody Sabbath (sur "The Weirding" notamment), soit la rencontre entre heavy-métal et progressif, et presque les prémices d'un genre qui ne verra le jour que bien plus tard. D'entrée de jeu, le canevas se fait jouissif avec le superbe instrumental "The Rising Of The Black Sun", pandémonium orgiaque de près de six minutes. Les Américains prennent leur temps et leurs échappées aiment généralement à se déployer sur la durée, l'apothéose en même temps que l'apogée, étant atteinte lors du monumental "Ouroboros" qui, du haut de ses 17 minutes, vous entraîne dans une joute instrumentale dantesque et ébouriffante, vertigineuse partouse démonstrative (dans le bon sens du terme, s'entend) qui s'envole très haut vers le septième ciel. Mais loin du progressif froid et calculateur, Astra se nourrit de l'essence même de ses aînés pour qui l'émotion épousait toujours une technique jamais utilisée uniquement pour elle-même. Tout comme le très beau "The Dawning Of Ophiuchus", le diaphane "Silent Sleep" illustre bien ce trait de caractère et ce, en dépit de ses affolantes ouvertures dessinées par des guitares et des claviers démentiels. Baignant dans des nappes électroniques dégoulinantes et hantées, ces pièces dans la grande tradition du genre ont quelque chose de pistes de décollage qui tutoient leurs modèles (Yes pour "The River Under", Camel pour les lignes de guitares de "Ouroboros"...) tout en évitant le piège de la photocopie facile. Car plus qu'un hommage, habile certes, The Weirding sait renouer avec l'âme du rock progressif des seventies mais n'en oublie pas pour autant de peindre les contours d'une personnalité qui lui est propre et ce faisant, témoigne que ses géniteurs ont parfaitement su digérer un genre que l'on a longtemps cru obsolète mais qui n'en finit plus de faire des émules. Cet album s'impose d'ors et déjà comme une des pierres angulaires du style et comme l'une des œuvres maîtresses de l'année 2009. Tout simplement. Les amateurs peuvent se jeter dessus les yeux fermés, sans aucune hésitation : orgasme garanti ou remboursé ! (Music Waves 2011)
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