Il existe heureusement encore de (petits) labels pour
lesquels la qualité l'emporte sur la quantité, pour qui un album est plus
qu'une simple rondelle avec de la musique dessus, produit commercial aussi vite
écouté aussi vite remisé. Il y a de (petits) labels pour qui chaque sortie est
le fruit sincère du coup de coeur, produit pour ce qu'il est et non pas pour ce
qu'il pourrait rapporter. Le modeste Distant Voices illustre cette démarche
passionnée de plus en plus rare. Simplement glissées dans une pochette noire
aussi noble qu'épurée, ses sorties, au nombre
deux à ce jour, possèdent ce parfum de trésor connu d'une petite poignée
de fidèles. Cette première offrande d'Arbre incarne son acte de naissance. Ce
projet est à l'image de cet écrin minimaliste : aucune information ni crédit
n'accompagnent sa découverte qui se fait dans le recueillement d'une pièce
avalée par l'obscurité, seul cadre permettant la défloration de cet opus dont
le visuel en noir et blanc où se découpe une forêt aux arbres rongés par l'hiver
laisse deviner un art noir dépressif et solitaire, sans doute l'oeuvre d'un
être isolé. Avec ces cris lointains de gargouille polluée, son rythme saccadé
dû à une (fausse) batterie et ses ambiances nocturnes que distillent des riffs
granuleux, souillés par la haine, Arbre pourrait ressembler à n'importe quel
misanthrope dont le genre dégueule de toute part. Mais, outre le fait que sa
nature de one-man band le pousse vers les méandres de l'Ambient, il suinte de
ces longues plaintes à la prise de son sèche comme un vagin avant des
préliminaires, bouillonnantes d'une violence cryptique, cette espèce de magie
obscure qui fait tout le charme du True Black. Simplement numérotés de un à
sept, ces titres à l'écorce éventées finissent pourtant par vous engourdir,
émanations qui confinent peu à peu une forme de transe syncopée et pulsative.
Mais derrière ce déchainement crépusculaire sourdent une tristesse automnale,
une beauté désolée qui confèrent à l'ensemble sa précieuse âme. Ses racines
puisant dans un humus sinistre, cette ode séminale parvient à capter cet esprit
forestier. En écoutant ses morceaux, on emprunte une sente sillonnant à travers
un monde d'une noirceur énigmatique, labyrinthe de feuillage où se niche
l'inconnu. Arbre résonne comme une invite, sévère et hermétique, à
l'inspiration plus riche qu'il n'y parait.
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