Aujourd'hui, Sunn O))) est à la mode, du
moins dans certains cercles élitistes/bobos parisiens. Faut-il pour autant s'en
réjouir ? Pas sûr. Et ce qui semblait pour certains vierge d'intérêt parait
tout à coup absolument génial... Or Greg Anderson et Stephen O'Malley n'ont pas
attendu que Libé les encensent pour travailler sur la distorsion et les effets
autour du sacro saint riff, eux-même poursuivant les expérimentations de Dylan
Carlson avec son Earth. Aujourd'hui donc, Sunn O))) est à la mode et tout le
monde se tape des pignolles avec sa nouvelle oeuvre, Monoliths and Dimensions.
Les dithyrambes fusent de toute part. Bien. Je suis un fan du duo mais
pourtant, je ne partage pas (tout à fait) cet enthousiasme aveugle pour un
album plus que jamais véritable laboratoire sonore. Tout d'abord, comme toutes
les recherches de ses explorateurs du son, il réclame attention et volume
maximum, auquel cas il risque de vous passer au-dessus de la tête. Une écoute au
casque, la nuit, serait presque même obligatoire. Le voyage, divisé en quatre
pans et animé par quelques invités connectés à l'unives du drone (Oren
Ambarchi, Attila Csihar, Dylan Carlson...), débute avec un magma de plus de 17
minutes, "Agharta", tentative réussie de renouvellement du paradigme
qui a fait la "gloire" du projet. Après de longues minutes seulement
secouées par cette collusion de riffs en forme de plaques tectoniques, la voix
profonde de Atilla Cishar fait son apparition. Jusqu'à la fin, il scandera ses
incantations noires sur fond de grondements digne d'un réacteur de l'A380.
Superbe et pourvu d'une grâce réelle mais les interventions du Hongrois sur White 2 semblaient autrement plus effrayantes
et abyssales. Suit "Big Church", dont l'entame est franchement
vertigineuse, Sun O))) y installe tout de suite un climat terrifiant aux
confins du cauchemar. Puis, ce sont des voix féminines spectrales au pouvoir
d'envoûtement absolu qui répandent leur mélopées. Fragmentée, découpée,
déstructurée, cette complainte déroule une trame hallucinante qui résonne des
fracas de ces guitares dont on a l'impression qu'elle s'enracine dans les
entrailles de la terre. Moins convaincant en revanche est "Hunting
& Gathering" qui n'apporte pas beaucoup d'eau au moulin,
contrairement à ses deux prédécesseurs, si ce n'est sa dimension grandiose.
Dernière pierre à l'édifice, "Alice" séduit par son minimalisme. Sur
un fuselage dans un premier temps constitué uniquement par des rouleaux de
drone en ébullition, de ses riffs qui ont quelque chose d'ondes sismiques qui
prolifèrent, s'élève peu à peu une mélodie immense et majestueuse qui semble se
réveiller d'un long sommeil pour atteindre une ampleur quasi cinématographique,
et les portes du progressif lors des ultimes mesures où plane le fantôme du
King Crimson époque Islands. En définitive, Monoliths and Dimensions, qui
de toute façon ne peut être juger à la va-vite, se révèle être un très grand
disque qui, par les nouvelles pistes qu'il explore, par la beauté et une forme
de poésie mystique qu'il irradie, confère finalement un sens à Sunn O))) et à
son travail mais certainement pas le chef-d'oeuvre de ses géniteurs, comme
beaucoup le pense. Ainsi, en dépit de ses qualités, il est permis de lui
préférer de vraies gemmes démentielles et charbonneuses telles que White 2, Black one et Altar,
mais ce n'est toutefois là qu'un avis subjectif. (cT2009)
Drone | 53:40 | Southern Lord Recordings
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