Cornelius von Jackhelln est un artiste
aussi insaisissable que fascinant à suivre. Dandy intellectuel et raffiné, il
est pourtant l'une des deux têtes pensantes de Solefald, entité majeure de la
scène black metal norvégienne. Etant un musicien (forcément) éclectique, il
peut offrir un album de remixes (entre autres) de son principal drakkar avec le
surprenant The Circular Drain tout comme il aime brouiller les
pistes en mettant sur pied un projet tel que Sturmgeist qui conjugue indus
martial et art noir. Après trois ans d'absence, il enfante quasiment seul comme
d'habitude d'un successeur à Über.
Mais plutôt que de poursuivre le chemin entamé par celui-ci et par son
prédécesseur, Manifesto
Futurista semble tourner une
nouvelle page. Sorti chez Season Of Mist, Meister
Mephisto et Über nouaient de nombreux liens en
commun, depuis des écrins similaires sinon dans la forme du moins dans l'esprit
jusqu'à leur musique. Ce troisième essai rompt totalement avec ces standards.
Nouveau label (celui de Cornelius lui-même), un visuel et un nom empruntés au
futurisme italien qui illustrent l'étendu de la culture de l'artiste et surtout
un contenu qui diffère de manière drastique avec ceux de ses aînés au point
qu'on a l'impression l'écoute achevée qu'il s'agit de l'oeuvre d'un tout autre
projet. Pourtant, le format est identique : courtes, les saignées ne durent
jamais plus de quatre minutes. Mais là s'arrête la comparaison. Manifesto Futurista est un pur concentré de black metal
rapide et puissant, venimeux et obsédant bien que toujours accrocheur. Le
vicieux "Monolith" nous renseigne d'entrée de jeu quant à ce nouveau
visage. Ne s'attendant pas à pareil traitement, c'est la surprise assurée. Tout
d'abord déçu de ne pas retrouver la recette qui fit le succès artistique des
deux premiers albums, on finit peu à peu à se prendre au jeu, à entrer dans cet
univers en définitive des plus séduisants et que l'on ne parvient plus par la
suite à lâcher. S'il s'est chargé quasiment de tout (sauf de la batterie), le
Norvégien a réussi à habiller cet essai dans une armure organique intense et
fielleuse. Résultat, ces titres claquent, raclent les chairs et vous vrillent
le cerveau en moins de temps qu'il n'en faut pour avaler une bière.
"Himmelen Faller", "The Siegfried Order", "Skyggestrykerne",
ainsi que le premier morceau, forment une trétralogie monumentale à laquelle il
est difficile de résister. On pense parfois au Satyricon dernière période pour
cette faculté à accoucher d'hymnes (faussement) immédiats qui donne envie de
taper du pied mais néanmoins sinistres et noirs. Plus lancinant,
"Verdun" distille un climat mortifère étouffant, tout comme
"Elegie d'une modernité meurtrière" lequel, libère par le biais de
voix plus aériennes une atmosphère presque élégiaque justement. C'est du reste,
avec le très majestueux instrumental "Ritorno Glorioso", qui évoque
les couleurs froides et orchestrales de l'odyssée islandaise de son autre
groupe et la piste la plus "classique" du lot, que la patte du
Cornelius de Solefald se montre la plus évidente. Par contre, avec
"Manifesto Futurista", c'est un black metal véloce et âpre qui
reprend le dessus, cependant que "Sturmgeist 89", avec ses riffs
grésilants est ses multiples fractures renoue avec l'esprit du mal originel du
début des années 90. Plus étonnants demeurent en revanche les épilogues
"Let Us Be The Suns Of Our Time" et "Death Metal Baroque"
au tempo miné par une lourdeur infâme. Encore une réussite à mettre à l'actif
d'un musicien dont on n'est certainement pas prêts d'avoir découvert toutes les
facettes. Insaisissable et fascinant. (cT2009)
Avant-garde Black Metal | 30:12 | Von Jackhelln Inhuman
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