Entité mystérieuse, Njiqahdda est le
projet de deux musiciens américains complémentaires et différents à la fois.
Depuis 2005, ils ont, sans compter leurs autres passe-temps (Oaks Of Bethel et
Funeral Eclipse), déjà éjaculé plus d'une dizaine d'albums, sans additionner
tous les EP et autres splits qu'ils n'ont bien entendu pas manqué d'usiner. Preuve
de ce priapisme créatif impressionnant, ce Taegnuub
- Ishnji Angma, pourtant publié il y a quelques moins à peine, n'est déjà
plus le dernier jalon de leur discographie, puisque deux autres offrandes sont
venues enrichir celle-ci depuis peu ! Aimant déployés leur art sur des durées
très longues (deux pistes dépassent tout de même la barre des dix minutes), ces
deux lascars délivre avec ce huitième essai, une oeuvre conforme à leur vision
peu orthodoxe du black metal. Pour eux, cette musique sert avant tout de
terreau fertile, dans lequel ils peuvent planter leurs influences à la croisée
de l'ambient et du rock psychédélique. Pour qui connaît le groupe (?), Taegnuub - Ishnji Angma ne présentera de fait que bien peu de
surprises, même si les titres sont cette fois-ci moins longs. En revanche, pour
les autres (la majorité), ce magma bouillonnant risque de paraître improbable
et incompréhensible. Décrire par des mots ces plages parfois plus proches de la
noise que du metal noir ("'U Finuug Vraam" et sa bouillie vocale
inaudible) semble aussi absurde que mission impossible. Sur un substrat essentiellement
instrumental que fissure des lignes vocales hallucinées et lointaines,
Njiqahdda forge une trame mystique et transcendantale, sorte de transe qui par
moment s'emballe sur une cadence infernale ("Ishnji Angma") mais qui,
le plus souvent, arbore une forme hypnotique voire lancinante
("Aski") d'où ruisselle une tristesse sourde et étrange (le prologue
"Purnakalamanna"). Et lorsque la musique adopte les contours de
complaintes incantatoires ("Njiuni Elova", "Taegnuub",
dérive longue et minimaliste où le chant, résonnant comme un appel religieux,
semble être celui d'un shaman oriental), on est alors emporté dans des effluves
nébuleuses d'une dimension cosmique réelle. L'Everest est atteint avec
"Nil Fyan Utopiia", interminable contemplation répétitive et épurée
aux confins du drone expérimental, pulsation atmosphérique qui irradie pourtant
une beauté aérienne et insaisissable. Avec cette respiration océanique, l'album
meurt tout doucement, s'efface, s'évapore dans les brumes au son du ressac...
C'est superbe et propice à la méditation. A l'instar de ses devanciers, Taegnuub - Ishnji Angma se vit plus qu'il ne s'explique car sa
portée introspective fait qu'il dépasse le cadre stricto sensu du black et du
metal tout court. Il s'agit presque d'une invitation à des voyages existenciels
et ritualistiques qui touchent l'âme autant que le coeur. (cT2009)
Psychedelic Black Metal | 53:47 | Dammerung Productions
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