Blåck. Tel est le nom du premier signe de mort plutôt que de vie
de Telümehtår. On ne saurait être plus clair. Il s'agit presque d'une
déclaration, d'une profession de foi même. Visuel entièrement noir sur lequel
se détache un logo bien dans la tradition. Ecrin limité à 111 exemplaires aussi
orthodoxe que son contenu dont chaque piste débute par le mot
"black". Ce projet, jusqu'à présent simple one man band (il a depuis
été complété par d'autres musiciens dont le guitariste de Hyadningar et Yuck)
est avant tout le réceptacle des idées crépusculaires de lord Telümehtår, que
les plus observateurs connaissent bien pour son activisme au sein de la très
dynamique scène rouanaise. Musicien éclectique pouvant aussi bien oeuvrer dans
le black à tendance symphonique avec Keen ou martelé un drone/doom hallucinant
avec Prön Flavurdik, il peut ici donner libre court à sa vision intégriste d'un
black metal resté figé dans la toundra norvégienne lors de la première moitié
des années 90. De fait, ces sept émanations lugubres convoquent le spectre des
Grands Anciens, de Burzum à Darkthrone en passant par les premiers Immortal.
Elles respectent à la lettre les invariants que ces entités ont édicté il y a
déjà bientôt vingt ans. Les guitares sont rongées par une vermine sinistre, le
chant, inaudible, ressemble à des gargouillis écorchés et le tout est drapé
dans une production qui sent bon la cave humide éclairée à la bougie. Tout est
là, y compris, et surtout, la musique qui ravive avec une intensité oubliée ce
qui fit que le black metal norvégien fut lors de son explosion un état
d'esprit, une philosophie, une vision du monde autant qu'un art. Il y avait
alors une magie ténébreuse chez ces groupes que Telümehtår, à sa modeste
mesure, parvient à recapturer avec sincérité. Si les deux premiers salves,
froides et haineuses, arpentent les terres dévastées d'un metal noir rapide et
puissant ("Black Mountain", Black Moon"), à partir de
"Black Snow", le tempo commence à entamer une décélération fiévreuse,
quand bien même "Black Fjord" progresse en suivant un rythme véloce.
Le climat se fait plus cryptique encore tandis que les riffs insidieux qui
vrillent la cervelle libèrent un fluide rouillé avec une négativité malsaine. Blåck atteint son paroxysme lors de
"Black Hymno", plainte instrumentale minimaliste suintant un mal être
absolu. Gangrené par le désespoir le plus profond, elle se faufile dans
l'intimité morbide des dérives synthétiques de Varg Vikerness, l'un des
artistes sans doute les plus influents de ces deux dernières décennies en même
qu'un des plus détestés. Le fondu enchaîné qui relie cette (fausse) respiration
au lancinant "Black Lodge", longue échappée aux atmosphères
suicidaires dessinées par les va-et-vient de guitares aux teintes opaques, est
saisissant. Et lorsque résonne les notes grêles d'un "Black End aux portes
de l'ambient et sur lesquelles meurt dans une tristesse infinie cette démo des
plus prometteuses, un sentiment de décrépitude ne peut que vous assaillir. On
tient là, du moins on l'espère, un futur grand du true black metal, qui
illustre qui plus est le foisonnement créatif d'une scène extrême normande que
l'on ne cesse de découvrir. Et Si d'aucuns jugeront sans doute ce galop d'essai
peu novateur, c'est qu'il n'ont définitivement rien compris, le genre n'étant
de toute façon pas une question d'originalité à tout prix mais de vécu, de
ressenti. (cT2009)
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