Hordes

mercredi 18 décembre 2013

Chronique : Deuil - Acceptance/Rebuild (2013)





Il y a des albums qui semblent vous poursuivre et auxquels vous ne pouvez finalement échapper. Ils rôdent autour de vous, disparaissent pour revenir plus tard vous happer. Acceptance/Rebuild est de ceux-ci. Tout avait pourtant commencé modestement, par ses deux (uniques) pistes sur le Bandcamp de ses auteurs. Voilà. Mais il y avait déjà ce nom. Deuil. Un nom simple duquel pourtant suinte un sentiment de puissance à la fois sourde et émotionnelle. Il y avait aussi la photographie en noir et blanc d'une sinistre battisse, visuel grave et austère annonciateur d'une musique qui l'est tout autant. Des images de morts, de guerre, de regrets, d'êtres chers disparus, stagnaient au fond de ce paysage de pierres, grisâtre d'une tristesse désolée. L'aventure aurait pu en rester là. Ce n'était pourtant que le début. Edité en CD, puis en cassette et enfin aujourd'hui en vinyle, Acceptance/Rebuild s'est donc imposé en quelques mois comme une offrande séminale incontournable et ces Belges de géniteurs, comme le messie que le genre guettait depuis longtemps. De quel genre parle-t-on d'ailleurs ? L'album titre une bonne part de sa valeur, de son intérêt, de la difficulté à l'enfermer dans une case tant le groupe emprunte autant au Sludge pour la tension minérale de son art, qu'au hardcore pour ces éruptions vocales rugueuses, au Black Metal pour cette noirceur rampante et insidieuse qu'au Drone/Ambient. En deux titres seulement, Deuil parvient déjà à bâtir un monument, mausolée douloureux aux granitiques ramifications. Deux titres, oui, mais quels titres ! Pesants, pétrifiés, épidermiques, falaise au relief meurtri contre laquelle se fracasse un chant à la violence désespérée, lui-même érodé par des six-cordes ferrugineuses. Du haut de ses 20 minutes au jus, "Acceptance" est logiquement le premier des deux. Sa singularité est d'être creusé par un pan instrumental qui voit le groupe tricoter des instants de mort pendant de longues minutes suspendues au souffle mortifère. Les guitares y libèrent des ondes d'une tristesse aussi terreuses qu'absolue. Souligné par des sons aux confins de l'Ambient et une production volontairement sale et polluée, ce qui aurait dû être une pause au sein d'une architecture torturée, ne fait au contraire qu'installer un profond malaise avant le rythme ne s'emballe en un torrent de fiel. Parasitée par des voix étranges, la dernière partie se dirige ensuite progressivement vers la mort. Le tempo est alors englué dans une nasse de désespoir, sentiment d'abandon que renforcent les coups de boutoir d'une batterie aux contours massifs. "Rebuild", qui lui succède empreinte lui aussi un chemin tortueux, instrumental pour une bonne part, roche écrasante que raclent des riffs gangréneux aux allures de burin. Il faut attendre ces dernières minutes pour voir le chant surgir, accompagnant une course en avant rapide et funeste jusqu'à aux ultimes mesures d'une sécheresse sinistre. Deux titres, trente minutes. Point final. Cela pourrait être peu, c'est pourtant gigantesque... (La Horde Noire 2013)




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