Hordes

lundi 14 octobre 2013

Chronique : Oranssi Pazuzu - Valonielu (2013)




Coincé au milieu d'une cohorte de blasphémateurs grimés à la truelle, ayatollahs ne jurant que par une orthodoxie démoniaque à l'image de Horna ou d'Anal Blasphemy, il y a Oranssi Pazuzu dont l'approche de l'art noir tranche au sein de cette scène finlandaise qui ne connaît souvent ni la vaseline ni le point de croix. Pour cette entité apparue en 2007, le Black Metal ne constitue qu'un terreau fertile à l'expérimentation, développant un concept cosmique et spatial inattendu qu'alimentent des ambiances plus psychédéliques que progressives. Aux vocalises écorchées, seule véritable bite d'amarrage à la chapelle impie, les Finlandais greffent des nappes de claviers aux confins du Space-Rock comme échappées des années 70 ainsi que des tubulures aux formes compliquées tandis que le tempo reste prisonnier d'une langueur stellaire. Pour autant, sa démarche aventureuse n'empêche pas Oranssi Pazuzu de conserver une dimension noire nimbée d'une aura de mystère. Colorées, les couleurs de sa palette sonore ne sont en rien joyeuses ou bigarrées. Précédemment hébergé chez Spinefarm qui a publié Kosmonument, le groupe a depuis scellé une alliance avec Svart Records qui poursuit son OPA sur tout ce que le pays aux mille lacs compte comme formations toujours audacieuses, nourries aux effluves pysché le plus souvent. Valonielu se présente comme l'idéal successeur de deux premières offrandes aussi intrigantes que réussies. Ses auteurs continuent d'explorer, de travailler, de façonner un art plus que jamais difficile à cerner, s'affranchissant des règles, brisant les stériles frontières séparant les styles pour aboutir à une musique passionnante dans son expression d'un Black Metal d'une grandeur hallucinée. Deux types de compositions l'animent, canevas resserré ou long périple cosmique mais toujours habité par une force sourde et lointaine qui semble provenir du fin fond d'un trou noir. Dans la première catégorie, on trouve des titres directs tels que "Vino Verso", amorce aux contours abrupts baignant dans ce climat spatial qui enveloppe tout l'album, ou bien encore "Olen Aukaissut Uuden Silmän", pulsation envoûtante qui décolle très haut dans une seconde partie démentielle mais aussi la curieuse piste instrumentale "Reikä Maisemassa" dont les sombres teintes que libèrent des claviers hantés parviennent à capter l'éclat froid et lugubre de l'espace. Deux échappées de plus de dix minutes chacune incarnent la seconde catégorie et l'épicentre de cet opus, cadre aux limites floues qui permet à Oranssi Pazuzu de donner toute sa démesure à son inspiration. "Uraanisula", tout d'abord, est une lente et pétrifiée dérive dans le cosmos qui étonnamment s'emballe soudain dans sa dernière partie en une accélération furieuse, avant de brutalement replonger dans la torpeur d'un vaisseau errant dans l'immensité opaque et ténébreuse. Quant à "Ympyrä On Viiva Tomussa", il s'impose tout simplement comme le soleil noir de Valonielu, qu'il ferme avec une hypnotique majesté soit 15 minutes d'un voyage épique et nébuleux que pilote le chant comme frotté avec du papier de verre de Jun-His. Instrumental pendant une bonne moitié de sa durée, le titre monte progressivement en puissance au gré du durcissement de ses traits qu'accompagnent une myriade de sonorités spatiales. Guitares stratosphériques et Mellotron fantomatique colorent ses dernières mesures d'une beauté superbe. Vous l'aurez compris, les Finlandais sont au sommet de leur art avec cet album tout du long captivant, oeuvre audacieuse d'un groupe dont l'écriture a atteint sa maturité.



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