Autrefois emprisonné dans l'ornière de
l'underground le plus vicié, le funeral doom est désormais à la mode. Doit-on
pour autant s'en féliciter ? Pas sûr lorsque l'on constate que le premier
misanthrope venu peut vomir une oeuvre du genre, tout seul dans sa cave à
l'aide d'une guitare et d'un bon logiciel. Heureusement cette chapelle n'a
jamais été inféodée à l'unique notion d'originalité et c'est davantage de
sincérité qu'elle se nourrit, ainsi que de la capacité à exprimer avec des
notes des atmosphères suicidaires et des sentiments tels que la solitude, la
tristesse ou l'apathie. Depuis les travaux matriciels de Shape Of Despair,
Evoken ou Tyranny, tout semble avoir été dit dans un créneau aux invariants
tout de même clairement figés. Pourtant, ce type de doom nous réserve encore
quelques bonnes surprises. Profetus en est la preuve. Il apporte sa pierre à
cette longue litanie de groupes finlandais qui se sont imposés pour mission
d'ériger un golgotha absolu de souffrance. Avec à son bord, un ancien membre
d'Horna (Anssi Mäkinen), cette entité braconne certes sur des terres bien
balisées qu'elle ne cherche d'ailleurs pas à transcender ni à quitter mais elle
le fait avec une puissance d'évocation absolument superbe. Coronation Of The Black Sun,
qui succède à la démo Saturnine,
est donc un bloc vaporeux qui se fissure en quatre pans (dont une intro) en
cinquante minutes sentencieuses qui résonnent comme une agonisante marche
funèbre drapée sous une pluie hivernale. Le chant donne l'impression de
s'extraire des profondeurs des Fosses Marianne, vigie brumeuse nous guidant
dans ces excavations abyssales d'une lenteur insupportable, les claviers
sinistres dressent un socle rongé par des assauts mortifères tandis qu'une
batterie plombée forme les piliers sur lesquels reposent cette cathédrale
doloriste. Etouffantes, ces échappées sont grevées par une inexorabilité qui
confine à l'abandon, à la résignation ; elles sculptent au burin dans la
froideur du marbre des sillons suicidaires dont le modelé semble être noyé dans
un hiératisme solennel et effrayant. Mais toujours, Profetus parvient à éviter
le piège fâcheux - et principal écueil dans lequel s'abîme bon nombre d'autres
formations du genre - du monolithisme poussé dans ses derniers retranchements.
Ainsi, bien qu'ils ne concèdent rien, qu'ils n'éclairent aucune lumière dans
cette nuit à la noirceur opaque, les Finlandais savent briser cette léthargie
avec subtilité, à l'image du final sublime de "The Eye Of
Phosphoros", avec ses lointains choeurs féminins ou ses timides sons
d'orgue aux accents liturgiques. Même un appel des limbes tel que le terminal
"Blood Of Saturn", qui paraît ne jamais vouloir s'achever avec ses
coups de boutoir répétitifs à l'infini, irradie une beauté ténébreuse à
laquelle il est bien difficile de résister. Du moins si l'on se trouve dans
l'état d'esprit requis, celui d'une dépression tragique et d'un mal être sourd.
Du maintes fois déjà entendus, c'est vrai. Ceci dit, Profetus récite sa leçon
avec assurance et maîtrise. Ne boudons pas notre plaisir (?) ! (cT2009)
Funeral Doom | 50:05 | Rusty Crowbar Records
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