Jardin secret aussi fertile que discret, Misery est de ces projets, rares et précieux, qui tiennent davantage du trésor chéri par une poignée de fidèles que du simple groupe, ce qu'il n'est pas de toute façon, par sa nature même d'entité solitaire, format minimaliste qui se révèle être une des seules informations ayant vraiment filtrées à son propos. Peu importe en réalité, l'essentiel étant ailleurs que dans l'identité de ce musicien isolé se faisant appelé Fille de Misère. Dans son art avant tout, sombrement émotionnel et d'une beauté funéraire. Des racines Ambient originelles, qui faisaient plus qu'affleurer à la surface de Messes interdites notamment, il ne reste aujourd'hui guère plus que des oripeaux, témoins d'une évolution naturelle vers le pur Black Metal dépressif que vient souligner Mélancolie, EP au tirage confidentiel (44 exemplaires en format cassette uniquement) dont le glacial visuel exprime parfaitement la noirceur brumeuse et qui achève une année 2013 des plus riches, succédant à Lore et à For The Loss Of Ghosts.En trois titres, Misery réussit là où nombre de mornes suicidaires échouent, à capter un feeling véritablement désespéré et ce faisant, à suinter des atmosphères engluées dans une nuit hivernale. Nourri d'un humus éprouvé, l'homme n'invente pourtant rien ici, libérant ces riffs volontairement répétitifs aussi pollués que dissonants sur fond de batterie rudimentaire, le tout recouvert d'un suaire ferrugineux au goût de rouille sale. La magie opère néanmoins, le charme aussi, celui de ce Black Metal qui porte la douleur au rang d'art. Bien que fractionné en trois parties qu'une simple numérotation distingue, Mélancolie a en fait quelque chose d'un unique cri de désespoir qui atteint son orgasme mortifère lors d'un troisième et dernier segment qui voit Fille de Misère y hurler comme si demain ne devait plus jamais exister. Il y a une telle souffrance, un tel mal-être qui exsudent de ces longues complaintes aux accords lancinants qu'on ne peut qu'être touché au plus profond de notre âme par ces ambiances d'abandon, de résignation, de fatalité à laquelle il est impossible d'échapper. Un climat engourdi répand peu à peu sa langueur mélancolique, confinant l'écoute à une forme de recueillement mortuaire, de transe pétrifiée qui vous hante longtemps encore après que ses ultimes battements se soient tues. Immense. Mouvantes, ces plaintes à la construction moins monotone qu'elles n'en ont l'air car cisaillées par des césures qui en relancent constamment l'intérêt, impriment un tempo obsédant irrigués par des accords qui vrillent, râclent, creusant de profonds stigmates et d'où s'écoulent des humeurs noires comme l'encre, comme l'eau d'un étang avalé par la nuit. Misery poursuit son chemin, avec discrétion et passion, édifiant peu à peu une oeuvre qui ne cesse de s'enrichir d'année en année, plus personnelle qu'on ne le croit car détentrice d'une aura religieuse très particulière. On tient là un des meilleurs projets que le DSBM ait enfanté ni plus ni moins. (La Horde Noire 2013)
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