Les grands n'ont pas le monopole des albums bourrés jusqu'à la gueule, habillés de nobles apparats. Preuve en est avec Grim Funeral, modeste entité ibérique dont la nouvelle offrande ne s'étire pas moins sur près d'une heure vingt de musique au packaging luxueux digne des cadors du genre. Si dans l'absolu, accoucher de ce type de marathon n'est pas difficile en soit, parvenir à captiver, à ferrer l'auditeur pour ne plus le lâcher durant tout le parcours, l'est en revanche bien plus. A ses dépends, la formation témoigne que cet exploit n'est pas donné à tout le monde. Pourtant, bien que disparu des écrans-radar depuis cinq bonnes années, Ur Profanum, l'unique membre à la barre de ce projet, n'a jamais été avare de sa semence obscure dont il inonde ses (rares) méfaits avec générosité. Les plaintes de plus de dix minutes ne l'effraient pas, masochiste qui aime appuyer là où ça fait mal en une cérémonie aussi sinistre qu'interminable. Mais il n'était encore jamais allé aussi loin dans l'édification d'un Golgotha sans fin. Pour combler son long silence, il pousse ici à son paroxysme ce canevas qui se délite, cette architecture faite de longs, très longs, trop longs corridors. Peut-on pécher par excès ? A l'écoute de "Abdication Under Funeral Dirge", on serait tenté de répondre par l'affirmative. A trop vouloir en mettre, Grim Funeral se livre à une séance d'auto-flagellation, finissant par lasser jusqu'aux plus méritants. Car il en faut du mérite pour digérer ce bloc qu'on souhaiterait ténébreux là où il n'est que brumeux, empilement de riffs pollués aux allures de clous rouillés labourant les chairs et de cris écorchés perçant la nuit en un râle démentiel. Face à ce gouffre dont la profondeur touche à l'indicible, comment ne pas abdiquer et abandonner le musicien à sa régurgitation solitaire ? La patience mise à rude épreuve, on largue assez vite l'affaire malgré un début résonnant comme la promesse d'une abyssale mortification. Peut-être que la récompense se trouve au bout de ce chemin de croix dont les cinq stations finissent par se confondre, procession aux contours flous de laquelle ne jaillissent que de fugaces instants de pure négativité. Combien il eut été pourtant bénéfique à cet album de se voir tailler de quelques coups de ciseaux et ses titres avec, aux durées souvent inutilement étirées, à l'image de 'Human Funeral Throne' qui du haut de ses 25 minutes (!) fait plus que frôler l'indigestion. Délesté d'une bonne demi heure, le verdict aurait été moins sévère. Englué dans ce Black Metal misanthropique, volontairement répétitif et finalement incapable de suinter une puissance obsédante,Grim Funeral reste ce groupe de seconde zone qu'on essaye de nous vendre pour ce qu'il n'est pas... (Music Waves 2013)
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