Buried
Inside n'abrite pas en son sein une poignée de stakhanovistes : quatre ans
entre Suspect Of Symmetry et Chronoclast, autant de temps de nouveau entre ce
dernier et Spoils Of Failure. A la décharge de ces Canadiens, reconnaissons que
leurs opuscules ne se limitent jamais à une brochette de simples morceaux
agglomérés les uns aux autres mais au contraire sont pensés, élaborés comme des
oeuvres cohérentes qui progressent vers un but précis. Corollaire de cette
architecture ambitieuse et exigente, leurs albums doivent être appréciés de
manière globale, jamais de façon fractionnée. Sans véritablement suivre la
colonne vertébrale d'un concept défini comme ce fut le cas de Chronoclast,
Spoils Of Failure forme néanmoins un tout, ce que suggère le titre de ses
pistes, uniquement nommées de un à huit, quand bien même toutes sont
indépendantes les unes des autres. Leur écriture a débuté en 2006. Une très
longue durée a donc été nécessaire à leurs auteurs pour en venir à bout. Si
Chronoclast était un concentré brut, une masse dense et tendue, toujours au
bord de la rupture, ce qui aboutissait par moment de franches et furieuses
explosions, son successeur semble à première vue plus posé, plus lancinant et
hypnotique aussi. Toutefois, c'est là une impression trompeuse car la tension
s'avère en fait toujours bien présente seulement elle affleure davantage
qu'elle communique son énergie négative à l'ensemble. Souterraine, on sent
cette tension larvée, sourde, parfois cependant proche de refaire surface
("VII" et, de manière générale, toute la dernière partie de l'album).
Ce qui n'hôte rien à son intensité. Plus doom que ses aînés ("VIII"),
Spoils Of Failure est un bloc étouffant d'une noirceur absolue. Insondable. Il
y a un tel désespoir qui suinte tout autant de ces riffs minée par la tristesse
(comme lors des deux premières plages notamment) que de ce chant rageur qui
porte en lui toute l'inexorabilité d'une vie grise et sans (vrai) bonheur.
Fiévreuses, ces plaintes vous collent aux tripes et touchent votre âme, elles
donnent l'impression d'avancée vers une issue dont on sait qu'elle sera fatale
et sans lumière. Et pourtant, elles irradient également une beauté gigantesque,
certes triste mais bien réelle. Il suffit de s'abandonner dans les arcanes de
la cinquième d'entre elles pour se convaincre que derrière la tragédie est
parfois caché quelque chose de beau. Spoils Of Failure, qui porte décidément
bien son nom, appelle les larmes, mais jamais misérables toujours justes et
nobles. Il confine aussi à une forme d'intropsection ("VI"), de
receuillement. On ne sort pas tout à fait indemme de son écoute, il en restera
forcément quelque chose, il aura ouvert une porte en vous. Difficile d'accès,
cet album fait partie de ces oeuvres qui se méritent, qui se découvrent sur la
durée, loin tellement loin de l'aussitôt consommé aussitôt digéré. Il vous
accompagnera pendant longtemps, vous hantera aussi peut-être... Dans tous les
cas, Buried Inside y démontre sa maturité en même temps que son intelligence.
Un grand disque, profond et au relief meurtri.
Post Metal | Relapse Records | 55:55
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