L'Europe du Nord érodée par le froid n'a
pas le monopole de la tristesse. On peut être né sous le soleil et graver un
doom death caverneux car les valeurs qui sous-tendent cette chapelle sont
universelles. Le Chili en constitue un bon exemple. Mourners Lament, Capilla
Ardiente, Aura Hiemis et bien entendu Mar De Grises qui représente en quelque
sorte le point de convergence de toute cette scène, exaltent à leur manière la
déesse doom. Au sein de celle-ci, Poema Arcanus, actif depuis 1992, peut ainsi
compter sur une position respectable de patriarche. Cependant, la faute à une
production irrégulière (un album tous les trois au quatre ans), le groupe peine
à exporter sa notoriété au-delà des frontières de l'Amérique du Sud. Sa
nouvelle offrande, soutenue par le label Aftermath, pourra sans doute l'y
aider. Poema Arcanus y délivre un doom death de bonne facture qui sait aller à
l'essentiel, ne pas s'égarer dans des méandres interminables et patauger dans
le piège du monolithisme aride. Relativement courts pour le genre, les plaintes
qui s'y agglomèrent trouvent l'équilibre juste entre mélancolie et puissance.
Point de misérabilisme larmoyant mais toujours une science du riffs qui vrille
le cerveau ("This Once Long Road", "Epilogo"...) quand bien
même les guitares sécrétatoires pleurent parfois des arpèges douloureux
(l'intro décharnée du superbe "Alter"). Le magistral "Mars
Lullaby" illustre bien cette capacité que possèdent les Chiliens à tisser
des mélodies efficaces bien que minée par une tragédie minérale. Timeline
Symmetry, qui débute par une longue respiration instrumentale qui saura vous
tirer des larmes, prend son envol avec le pétrifié "Raven Humankind",
gouverné comme l'ensemble, par le chant tour à tour sépulcral ou plus velouté
de Claudio Carrasco, lequel atteint des sommets d'émotions lors du fleuve et
très sombre "By The Cliff". On pense par moment au Anathema de la
grande époque, à Katatonia voire à Opeth (l'entame de "Zoom To The
Void") sans que ce crédit soit embarrassant. Poema Arcanus vient d'enfanter
avec Timeline Symmetry son oeuvre la plus aboutie à ce jour, solide, bien
produite et basée sur une écriture précise et serrée. Elle honore le doom death
avec cette chaleur triste propre aux groupes d'Amérique du Sud. Une bonne
pioche pour l'amateur. (cT2009)
Doom Death | 56:31 | Aftermath Music
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