Hordes

vendredi 18 octobre 2013

Chronique : Rainbow - Stranger In Us All (1995)




En 1993, rien ne va plus pour Ritchie Blackmore, alors guitariste de Deep Purple. Sans rien lui dire, ses compères au sein du dinosaure britannique, Roger Glover, Jon Lord et Ian Paice, rappellent le chanteur, et ennemi de toujours, Ian Gillan, parti en 1989, afin de recommencer à brailler dans le micro, après que son éphémère remplaçant, Joe Lynn Turner (ex-Rainbow) ait été remercié. S’en suit un album sinistre et sans charme (The Battle Rages On) et une tournée catastrophique, vite avortée par le départ surprise (?) de l’homme en noir. Rapidement, il décide de reformer Rainbow, le groupe qu’il dirigea d’une main de fer de 1975 à 1984. Echaudé par l’expérience pourpre, il préfère pour cela réunir autour de lui de jeunes musiciens (Doogie White au chant, Greg Smith à la basse, Paul Morris aux claviers et John O’Reilly à la batterie) plutôt que de faire appel à certains des anciens membres de l’Arc-en-ciel. Pas de Dio, de Bonnet ou de Turner donc, pourtant tous disponibles. Le résultat ? Ce Stranger In Us All de très bonne facture, probablement alors le meilleur disque que Ritchie ait composé depuis Perfect Strangers en 1984 avec Purple, dont une poignée de gratte-papier snobinards et n’ayant sans doute jamais connu l’apogée du groupe se refusent néanmoins à admettre la valeur, arguant qu’il fait pâle figure à côté des Rising, Long Live Rock ‘n’ Roll et même Bent Out Of Shape Pourtant, il faut être sourd pour ne pas reconnaître que cette huitième offrande se hisse largement au niveau du dernier opus enregistré avec Joe Lynn Turner au chant. Moins foncièrement commercial, Stranger In Us All propose un hard rock toujours très mélodique mais qui se pare d’oripeaux plus sombres que par le passé, à l’image du lent et sublime "Hunting Humans" et ses riffs entêtants, ou du non moins réussi et plus rapide "Black Masquerade". Certaines compos se veulent aussi nettement plus hard que celles figurant sur les albums des eighties : l’introductif "Wolf To The Moon", presque aussi bon que "Spotlight Kid (Difficult To Cure)", les imparables "Cold Hearted Woman", "Stand And Fight" ou "Too Late For Tears", ainsi que le furieux "Silence" et son solo final ravageur, cependant qu’une des plus belles pièces de l’album s’avère être le mid-tempo "Ariel" que Ritchie a co-écrit avec sa mie, Candice Night, que l’on commence alors à découvrir sans encore se douter du rôle fondamental qu’elle sera amenée à jouer dans la suite de la carrière de l’ombrageux guitariste. Ce dernier n’a pas non plus perdu son goût pour les morceaux épiques et pour la musique classique, comme le démontre la superbe relecture de Grieg, "Hall Of The Mountain King", rehaussé par les chœurs de sa dulcinée. Stranger In Us All s’achève par une nouvelle version (chantée cette fois-ci) de "Still I’m Sad", elle aussi illuminée dans ses dernières mesures par le jeu fin et précis de Ritchie, façon d’établir un pont avec le passé du groupe. Rien à jeter donc. Blackmore se montre éblouissant et les quatre musiciens qui l’accompagnent, sans valoir leurs homologues d’autrefois, sont loin (très loin) d’être des tacherons. Malheureusement, en dépit d’une tournée réussie, cet album ne rencontrera pas le succès attendu et mérite mieux que l’indifférence polie qu’il suscita. Il faut dire aussi que le milieu des années 90 ne fut pas une période favorable pour le hard rock mélodique et de bon goût. Il sortirait aujourd’hui que l’accueil qu’il recevrait, serait sans doute très différent. Toujours est-il que Blackmore, lassé de cette musique et du business, décide quelques temps plus tard de saborder une seconde fois Rainbow afin de se concentrer sur un nouveau projet, qui correspond désormais davantage à ses envies : Blackmore’s Night. Malgré plusieurs rumeurs de reformation avec Dio les années suivantes, on peut affirmer qu'il s'agit là du point final de la carrière de l'Arc-en-ciel.



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