J'ai
pleuré. Oui, j'ai pleuré en m'abîmant entre les bras de The Fallen Host. J'ai
pleuré et ce, dès les premières mesures de l'introductif "Depart From Me,
You...", montée en puissance dans l'intensité dramatique. Un piano aux
accents mortuaires et une violon d'une gravité solennelle ont suffit à cela. En
l'espace de quelques minutes à peine, Blueneck, dont c'est le second
chef-d'oeuvre, pose le décor, un décor qui sera à l'image de la vie, triste et
désespérée. The Fallen Host prend véritablement son envol avec
"Seven", perle instrumentale d'un post rock diaphane écrit à l'encre
grise d'une trajectoire d'émotion à fleur à de peau. Ces lignes de violon
convoquent le fantôme du Anathema période Alternative 4 : c'est magnifique. Et
les guitares, lourdes et stratosphériques à la fois, décollent vers un ciel
assombri par les nuages. On frissonne face à une telle beauté evanescente qui
progresse vers un absolu boulerversant. Par la suite, premier titre chanté,
"Low", gemme mélancholique, a quelque chose d'une ballade
désenchantée en hiver le long d'une plage anglaise solitaire.Blueneck y navigue
alors dans les eaux d'un rock intimiste et épuré à la No-Man. La voix est feutrée, presque un murmure. Puis
ces lignes vocales cèdent la place à des six-cordes squelettiques qui s'élèvent
peu à peu en un arc-en-ciel noir et gris cependant que le violon vient
souligner de son trait sévère cette courbe atmosphérique. La tension est là,
palpable ; on sent qu'elle va exploser. Ce moment semble être repoussé. Le
temps est suspendu durant de longues minutes qui meurent en un final
instrumental majestueux. Désincarné, "The Guest" lui succède en une
respiration hypnotique. Vierges de chant, "Children Of Amme" et
"Weaving spiders come not here" sont quant à elles deux pulsions
crépusculaires qui cimentent le début et la fin du disque, aux confins de la
trip hop pour la première, plus funéraire pour la seconde. Les Anglais y
démontrent encore une fois leur maîtrise de la progression émotionnelle et
dépouillée. Retour de la voix de???, plus spectrale encore, avec le superbe
"Lilitu", diamant introspectif qui sera vous faire tirer des larmes.
J'ai d'ailleurs pleuré à nouveau face à cette capacité à toucher le coeur avec
un minimalisme remarquable. Ce morceau est tout ce que le Anathema contemporain
rêverait de pouvoir exprimer sans néanmoins y parvenir. C'est un titre pesque
impalpable : quand on croit pouvoir le toucher, il vous échappe finalement... à
tout jamais. Automnaux, ces paysages qui surgissent dans le voile brumeux, sont
figés dans le froid et la grisaille. Puis, le coeur s'arrête peu à peu de
battre avec "Revelations", terminale et aérienne envolée qui émeut
par sa touchante simplicité. Tout doucement, l'issue approche, au bout de ses
lignes de guitares floydiennes. Le ton se durcit enfin, le rythme s'enfonce
dans un substrat plus pétrifié, conclusion à la démesure tragique. Vous l'aurez
compris, avec The Fallen Host, Blueneck vitn ni plus ni moins d'écrire une des
plus belles pages du rock d'aujourd'hui au point que si le groupe devait
s'arrêter maintenant, il aurait tout de même gagné sa place parmi les plus
grands.
Genre Post Rock
Label Denovali Records
Durée 57:27
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